mardi 3 juin 2025

L'individualiste (6)


Qui prend le parti de parler beaucoup prend certes le parti de dire beaucoup de bêtises mais il ressortira du tamis, et la critique bourgeoise est ce tamis, quelques pépites qu'elle s'empressera de mettre au crédit de qui la payera en retour. 

Quand on cite les grands discours des grands hommes (souvent des politiques) on ne cite que cela que l'on pourrait en retenir, comme quand on cite un auteur et qu'on en prend le meilleur. Par contre, il nous faudrait nous taire et écouter, ne pas parler à tort et à travers.

C'est qu'on ne retiendra pas de nous le meilleur. C'est que la critique ne jouera pas en notre faveur. On n'oublie trop cette bataille inégale de la parole et combien avant d'apprendre à parler l'enfant a zozoter, et c'est qu'il faut zozoter avant d'être intelligible pour les autres.

J'ai un ami qui ne veut pas écrire, l'en empêche tous les grands de la littérature, il ne voudrait pas à côté d'eux zozoter, c'est qu'ils auraient écrit pour qu'on les lise non pas pour qu'on écrive, comme d'autres parlent pour qu'on les écoute, non pas pour qu'on parle à notre tour.

Mais c'est surtout la faute de la critique laudatrice qui quand elle dit du bien ne fait plus que dire du bien de qui elle dit du bien; il en va de même de tout ce que la société a consacré, de tout ce qui est sacré pour elle: les arts, les sciences, la société.

Je voudrais cependant rapporté ici ce qu'on n'attendrait plus d'un révolutionnaire que d'Ortega y Gasset: "Es preciso que no hieraticemos la cultura adquirida, preocupándonos más de repetirla que de aumentarla".

Ortega y Gasset qui parle aussi de "la latente hipocresía del carácter moderno, que finge interesarse únicamente por ciertas conveniencias sagradas -ciencia o arte o sociedad-, y reserva, como no podia menos, su más secreta intimidad para lo nimio y aun lo fisiológico."

Cela irait donc plus loin que de nous empêcher d'écrire ou de parler mais aussi de vivre, puisque rejetant au rang de nécessité bassement matériel tout ce qui ferait notre humanité pour ne pas dire notre individualité dont il ne serait pas de bon ton de faire mention. L'individualité ne serait pas primée. 

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