dimanche 1 juin 2025

Les confessions d'un individualiste


A aucun moment je n'aurais dit c'est la société si on ne m'avait pas dit c'est la société, car toujours je n'ai vu que des hommes et la société jamais. J'ai pourtant appris moi comme les autres et avec les autres dès mon plus jeune âge à dire c'est la société sans davantage savoir ce que c'est que la société.

Et comme beaucoup qui s'en sont pris à la société je m'en suis aussi pris à la société sans toujours savoir davantage ce que c'est que la société, puis prenant de l'âge j'ai appris moi comme les autres et avec les autres à aimer la société sans toujours savoir davantage ce que c'est que la société.

Petit j'entrais dans le secrétariat de mon père qui était le secrétariat de mairie et lui demandais de qui était ce portrait au-dessus de son bureau: ce n'était plus la tête de De Gaulle que j'y voyais mais celle de Pompidou et c'était ce qui devait m'étonner: qu'on changea les têtes.

Je ne devais apprendre que bien plus tard que dans la société les têtes changeaient souvent, même si la société restait la même. Mais je n'avais pas encore vu la société sinon un homme dont la tête, qui était à mes yeux une tête de rechange, me paraissait plutôt sympathique.

Et ma sympathie allait toujours aux hommes sauf quand ils usaient d'autorité sur moi. Or bientôt j'appelai société tous ceux qui avaient et faisaient autorité sur moi, et sans toujours savoir davantage ce que c'était que la société je la rejetais.

Je me la figurais comme toujours se mettant en travers de mon chemin. C'était elle l'école, l'internat qui m'éloigna de mes parents. C'était elle l'armée qui fit que cette année là je ne pus voir ma bien aimée.

On m'a dit que c'était aussi les hôpitaux où je pouvais être soigné mais je n'aimais pas les hôpitaux; que c'était l'eau courante au robinet; que c'était l'électricité qui m'éclairait et me chauffait; que c'était les routes qui me permettaient d'aller là où je voulais aller; que c'était…

J'ai bien vu des électriciens et des infirmières et des médecins et des hommes qui travaillaient sur les routes mais jamais d'aucun d'eux je n'ai entendu dire qu'ils étaient la société. Quant aux hommes qui disaient représenter la société je ne les ai jamais vus travailler sur les routes ou dans les hôpitaux sinon parler à la télé.

Souvent aussi on m'a dit qu'il fallait aimer sa société et pour me la faire aimer on m'en a rapporté du bien à moi qui n'en avait reçu que du mal et je n'ai commencé à les croire que quand ça à commencé a aller mieux pour moi, aussi je crois que ça va très bien pour ceux qui sont la société.

Seulement je ne suis pas sûr qu'ils existent vraiment comme je ne suis pas sûr que la société existe vraiment, pas plus que je ne suis sûr que le paradis existe vraiment, encore moins sur terre qu'au ciel. Seulement ses représentants ici et maintenant sur terre nous en parlent de la société comme d'un dieu omniscient et omniprésent.

Je crois qu'il faut être seulement croyant et que je ne le suis pas, que je ne crois toujours pas à la société bien que cela aille mieux pour moi, c'est sûrement que je suis de ceux pour qui il faut avoir vu pour croire et que je ne l'ai toujours pas vu moi à la société, sauf peut-être à la télé, au moins entendu parler. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire