Vous qui parlez d'individualiste, l'entendez vous battre le cœur de l'individualiste, certainement pas, car c'est le cœur de tout homme qui est d'abord un individu avant d'être la société.
Vous qui parlez de l'individualiste allez donc jusqu'au cœur de l'individu pour entendre ce qu'il a à vous dire. Non, il ne dit pas merde à la société. C'est la société qui a dit merde à l'individu. La société que l'homme a cessé de préoccuper, qui n'a d'autre souci que d'elle-même.
Vous l'avez mal jugé et condamné: c'est un individualiste, même plus un individu que l'homme qui n'est pas la société et porte par vous ce signe infamant d'individualiste et n'ose plus en ce nom avoir d'exigences, car il ne doit y avoir d'autres exigences que celles de la société.
Ne serait-ce pas la société qui se serait désintéressée de lui plutôt que lui de la société, d'abord elle, pas d'abord lui, puisque la société n'a pas souci de moi, se serait-il alors dit, pourquoi aurais-je souci d'elle.
Et renvoyé à lui-même il ne s'en porterait pas plus mal, et voyant qu'il ne s'en porte pas plus mal il continuerait à s'éloigner de la société qui continuerait elle aussi à s'éloigner de lui. Et les deux s'éloignant de leur côté seraient de moins en moins proche.
La société se trouverait de moins en moins légitime à parler de quelque parent de plus en plus éloigné dans le temps et dans l'espace, à la parenté de plus en plus distendue, à le réclamer d'elle, comme lui à se réclamer d'elle, ce qu'il ne ferait en effet plus, ou moins que jamais.
L'individu ne penserait donc plus qu'à lui, mais à qui voulez-vous qu'il pense, à la société, c'est peine perdue d'avance; et comme elle n'a plus foi en lui il n'a plus foi en elle, et là encore c'est la société qui a perdu foi en l'homme, pour ne pas dire trahie la foi qu'il avait en elle.
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