La peur des femmes

On lit beaucoup de choses écrites par les hommes sur les femmes et viennent-elles des plus grands écrivains qu'ils fussent femmes aussi, parce qu'on dirait que devenant écrivains elles deviennent un peu homme et que ceci faisant cela fausserait aussi leur jugement, que je ne pourrais m'y fier.

Il ne me viendrait pas l'idée alors d'en ajouter de mon cru si les meilleurs y auraient selon moi échoués, je ne tomberai pas non plus dans cet argument bateau du mystère de la femme ou du naturel féminin ou de l'éternel féminin ou je ne sais encore quelles inepties des hommes sur les femmes.

Il n'empêche qu'étant homme nous aimerions faire connaissance, mais notre connaissance ne peut être que celle du rapport homme femme et, selon celui que l'on a, on pencherait à en parler comme bon ou mauvais, ce qui ne voudrait pas dire non plus si la femme est bonne ou mauvaise.

Il faudrait donc se résoudre à ne plus parler de la femme ou des femmes comme si nous savions quelque chose sur elles et qui vaudraient pour toutes ou presque toutes.  D'ailleurs si l'on parle d'aventure c'est qu'il faut être aventurier: foncer vers l'inconnue.

Une femme au rendez-vous duquel je ne suis pas allé parce que, et je lui ai dit, je ne pensais avoir aucune chance avec elle, m'a répondu que c'était bien un comble que cela, de penser à sa place: "tu ne peux pas penser à ma place" qu'elle me dit choquée.

Eh bien, je crois que cette femme avait raison pour moi et pour des générations d'hommes qui ont pensé avant moi à la place des femmes et quelque soit le bien ou le mal qu'ils puissent en avoir dit.

Je ne reverrai plus cette femme et je ne saurai donc jamais non plus comment j'aurais été reçu par elle, je ne peux que continuer à me l'imaginer, et si j'écrivais ce que j'en écrirais répondrait à mon imagination trop souvent confondue avec la réponse d'une femme.

Cette expérience ne serait cependant pas négative si je comprenais que voilà ce qu'il en résulte de vouloir toujours parler à la place des femmes, aussi que si je comprenais que c'est la peur encore une fois qui motive notre action, ici la peur d'entendre ce que les femmes ont à nous dire.

A Michèle Chatenet