dimanche 9 mars 2025

Une existence absolue (suite et fin)


Eliot, mon petit chien qui n'est plus, et sans avoir jamais été mon semblable, s'est vu par moi accorder une existence absolue quand mes semblables n'auraient pour moi qu'une existence relative (à moins d'être ou avoir été comme on l'a vu précédemment mes proches ou mes amis). C'est pourquoi quand on me dit que quelqu'un qui aime son chien aime ses semblables cela me renvoie directement à Hitler ou à tout autre qui comme moi ou Hitler a, ou a eu, un chien et a aussi des semblables.

Il faut croire que l'on accorde parfois à ses animaux de compagnie ce que l'on n'accorde pas à ses semblables et c'est une existence absolue. J'avais commencé par dire: quand je pense à mon père je ne pense pas à un homme parmi tant d'hommes; eh bien, quand je pense à Eliot je ne pense pas à un chien parmi tant d'autres et c'est parce qu'il a plus d'existence pour moi que n'importe quel autre, c'est que, quand tant d'autres n'ont pour moi qu'une existence relative, Eliot a pour moi une existence absolue qui n'est autre que la mienne d'existence, et la mienne pour moi.

Personne ne pourrait dire cependant qu'Eliot est mon semblable et je ne le considère pas moi-même comme tel. Cela ne l'a pas empêché de se voir accorder par moi une existence absolue au point que quand il est parti et tandis qu'au même moment je ne notais pas la disparition de nombreux de mes semblables (parce qu'il en nait comme il en meurt tous les jours) je notais la perte de mon chien comme l'on peut noter la perte d'un proche ou d'un ami ou de tout autre à qui l'on aurait accorder sa propre existence qui est une existence absolue.

Je pense donc comme plus pertinente cette distinction entre existence absolue et existence relative qu'entre semblables et non semblables. Elle peut nous aider à comprendre cette indifférence que l'on a trop souvent entre semblables et ce que l'on peut se faire de mal sans en être nullement et personnellement affecté; qu'il ne suffit pas d'avoir reconnu l'autre comme son semblable qui est lui accorder une existence relative, mais bien lui accorder une existence absolue pour qu'il existe pour nous, et l'on peut alors entendre cette citation culte de Montaigne sur l'amitié: "parce que c'était lui, parce que c'était moi" où chacun se verrait doter par l'autre d'une existence absolue.

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