samedi 1 mars 2025

L'esprit de sacrifice (suite)


Je voudrais poursuivre ma réflexion sur l'esprit de sacrifice alimentée par une dernière lecture et la visite à un ami. Je me souviens encore avoir parlé de l'ambition comme une gloire sans sacrifice et qui par conséquent laisserait l'homme sans postérité, n'étant au service que de lui-même il est tout naturel qu'elle se termine aussi avec lui sa vie. Pourtant l'esprit de sacrifice n'a pas quitté l'homme, pas plus que son désir d'immortalité qui n'est autre que de se continuer en l'autre et cela peut être déjà par sa descendance. Je le tiens donc comme naturel à l'homme et ce n'est pas parce qu'il l'a perdu de vue qu'il ne lui est pas pour autant propre mais qu'il aurait par contre perdu ce qui donnerait un sens à sa vie. Je reprends donc là où je l'avais laissé cette réflexion.

Mon ami a plus de 8O ans qui est un âge où l'on voit mourir beaucoup de gens autour de soi. Rien d'étonnant alors qu'il me montre ces textos qui sont les condoléances faites à un proche. Mais mon ami voulait m'amener à considérer ou découvrir par moi-même le traitement que l'humble mortel pouvait réserver à sa vie ou plutôt comment il pouvait traiter le problème de sa propre mort. Dans un de ces textos en effet je me rendis compte  qu'il avait été écrit par le défunt signifiant en des termes les plus simples qui soient et de la façon la plus claire possible son choix: l'euthanasie, mais n'en parlant pas (ce qui sans doute est la meilleure façon d'en parler) sinon de comment il fallait l'accueillir sa mort, c'est-à-dire s'en réjouir. On voyait bien qu'il ne parlait pas pour lui mais pour l'autre, celui qui lui survivrait, et toute la générosité d'un cœur humain libéré du poids de son existence trouvait son expression en quelques lignes disant beaucoup sur cet esprit de sacrifice donnant alors sa toute puissance.

Sans doute à l'heure dernière, et s'ils l'ont perdu, beaucoup retrouveraient un sens à leur vie mais si tout écrit est en quelque sorte un testament il serait d'autant plus réussi que l'on y serait moins présent sinon que la ligne écrite continuerait notre ligne de vie, celle que certains se proposent de lire dans leurs mains et d'autres d'écrire de leur main et je pense maintenant à un écrit d'Adorno dans son ouvrage Minima Moralia intitulé Mort de l'immortalité où l'on peut lire texto: "Flaubert dont on dit qu'il méprisait la gloire qui fut l'enjeu de sa vie entière … " mais surtout en n'en faisant la critique et comment elle s'obtient aujourd'hui: "Elle est devenue la fonction des seules entreprises de publicité payé et se mesure aux investissements risqués par le porteur du nom ou le groupe d'intérêts derrière lui." Je n'aurais cependant pas rapportés ses propos qui ne semblent intéresser que la gloire et non pas l'esprit de sacrifice si je n'étais tombé sur ces dernières lignes: "A force de soins prétentieux donnés à leur auréole, ils gaspillent l'énergie désintéressée qui, seule, est susceptible de perdurer".

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