La télé est un peu forte mais je la supporte comme on supporte une musique de fond qui peut accompagner toute activité, comme on supporte, j'allais dire aussi, des voix familières mais c'est faux, la voix de Tayeb et quand il parle un peu fort au téléphone où à Feriel je le reprends, je les reprends: il m'est impossible alors, que je pense, de poursuivre dans ce que je fais. Et pourtant je ne les entends pas davantage que j'entends la télé. Préfèrerais je les voix de la télé aux voix humaines?
J'écoute les actualités mais Tayeb veut parler, disputer l'autorité "indisputable", car c'est celle à qui l'on a donné toute autorité, sans savoir pour autant qui parle, quand le savoir vraiment enlèverait toute objectivité à ses propos qui est sur quoi repose leur autorité; la voix de Tayeb par contre est la voix de la subjectivité parce qu'elle est la voix humaine et encore une fois je lui demande de se taire. Préfèrerais je les voix de la télé aux voix humaines?
Tayeb continue malgré tout à couvrir de sa voix la voix du speaker dont il conteste les propos "incontestables", leur vérité qui serait la vérité "objective", mais surtout l'homme Tayeb demanderait il a exister, à reprendre la place et l'autorité que lui ravirait la télé; et en cela il me rappelle Sylvie ma femme qui avait pourtant toute sa raison encore mais se fâchait quand l'image d'une jolie femme à la télé attirait mon attention jusque là occupée par la sienne de beauté. Préfèrerais je l'image à la télé que la figure humaine?
La fiction nous dispute la réalité, elle envahit le champ du réel, nous le ferait moins aimer et surtout moins nous y consacrer, et nous y consacrant moins nous ne pourrions aussi que moins l'aimer, voire même nous déshabituer à lui au point de ne pouvoir plus le supporter, donnant à chaque fois plus notre préférence à ce qui n'existe pas pour nous sinon virtuellement sur ce qui existe pour nous réellement. Je pense qu'à la guerre on devait s'habituer mieux au bruit des canons qu'aux gémissements des blessés quand les premiers étaient la cause du malheur des seconds et de loin les plus bruyants.
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