Un lecteur d'Alain

Bernard Kouchner ancien ami de l'abbé Pierre et Michel Onfray ancien lecteur des Propos d'Alain. De l'un comme de l'autre un podcast l'avait informé de leur position respective après l'incrimination de qui par le passé ils avaient pu apprécier l'œuvre. Mais Bernard Kouchner restait fidèle à son ami convaincu de viols, tandis que Michel Onfray discréditait totalement Alain après lecture de son journal pour le caractère antisémite indéniable des propos (autres propos) qu'Alain pouvait y tenir.

J'ai dit convaincu de viols l'abbé Pierre, mais Bernard Kouchner serait le premier à me le reprocher lui qui reprochait que l'on condamne avant de juger, que l'on fasse procès avant le procès (dans ce cas précis par contumace, le défunt abbé ne pouvant s'y produire). Il est vrai que les absents ont toujours tort. Aussi Alain est absent au procès qu'on lui fait. Les langues se délient. Qui a dit qu'il ne faut pas dire du mal des morts? C'est vrai qu'ils ne sont plus là pour se défendre.

Mais il y a surtout ce mot de l'ami qui ne veut pas défendre l'indéfendable mais seulement dire que l'abbé Pierre n'est pas, si toutefois il s'avère qu'il l'est, qu'un violeur, et qu'il est bon de rappeler tout ce qu'il était aussi et qu'on peut continuer à l'aimer pour cela. Tout en l'homme n'est pas aimable. Qui a dit que l'homme était parfait? Eh bien, l'abbé Pierre ne l'était pas, pas plus que ne l'était Alain. Autant l'abus sexuel (de la part des males dominants) que l'antisémitisme si décrié aujourd'hui passaient bien à une époque qu'on espère révolue, il ne faudrait pas non plus l'oublier. En quoi ils étaient dans les normes de la société. A qui reprocherait-on aujourd'hui d'être dans les normes de la société tant que la société ne change pas?

Et parce qu'Alain a écrit cet odieux journal on ne lirait pas ces admirables propos? Le discrédit jeté sur Alain serait total, absolu, définitif? Alors ce n'est pas qu'Alain et l'abbé Pierre qu'il faut jeter aux orties mais tous les hommes qui sans arriver là où ils sont arrivés, à faire d'aussi belles choses qu'eux, n'en n'ont pas moins fait d'aussi laides sinon bien davantage, et que seul sauverait d'un procès public de n'avoir pas su se faire un public, du lynchage médiatique de n'être pas médiatiques.

A quoi cela peut-il mener? A ce que tout le monde lise le journal d'Alain comme tout le monde va lire Main Kampf, aussi que d'écouter tout ce qui se dit de mal sur l'abbé Pierre, et ne plus rien savoir de ce qu'ils ont fait ou écrit de bien, parce que le scandale et la polémique (et Michel Onfray lui-même en s'offrant trop à la polémique n'offre sans doute pas ce qu'il a de meilleur) trouve plus facilement son auditoire (et quelle auditoire?) que la charité chrétienne de l'abbé Pierre et les Propos d'Alain le républicain, l'homme de bon sens et de bien.