La liberté si vantée est liberté des plus forts. Moi petite chose faible et craintive livrée à elle-même réclamai plus que liberté soins et attentions à qui n’était pas prêt à les dispenser, à qui ne parlait que de liberté, qui n’était que sauvageries exercées contre un moi désarmé et plus que désappointé, car que pouvais-je opposer à ce dictat de la liberté pour tous. Elle m’assaillait de tous côtés et tandis que je voulais m’en emparer me trouvai fort désemparé. Ferme ta gueule et écoute, voilà ce que l’on m’a dit au nom de la liberté d’expression à chaque fois que j’ai voulu prendre la parole pour faire entendre ma voix pleine de récriminations, car je n’avais pas droit au chapitre mais seulement de me taire. Tu es libre, majeur et vacciné, m’ont dit un jour mes parents qui ne voulaient pas continuer plus longtemps à me nourrir et me loger, quand je me suis retrouvé à la rue sans argent de côté ni personne sur qui compter mais libre. Et tout le monde dehors qui criait : liberté, liberté chérie. Comme j’aurais pu la maudire quand qui avait liberté d’aimer un va nu pieds lui préféra un fils de bonne famille, toujours au nom de la sacro-sainte liberté. Mais rendu aux idées de mon époque je n’avais moi aussi bientôt que ce mot à la bouche : liberté, liberté chérie, tandis que la mienne infortunée se réduisait comme une peau de chagrin d’année en année. Comme qui dirait pour avoir la liberté de choix il faut avoir le choix, et plus souvent qu’à mon tour je n’avais pas le choix, mais intérieurement je continuais à crier : vive la liberté ! Et à lui seul ce cri de vive la liberté réchauffait mon cœur. Mais nulle part ailleurs qu'en mon cœur je ne la trouvais.
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