Au nom de la fidélité de principe, d’identité ; parce que c’est troublant, parce que c’est perturbant, qu’on ne sait plus qui est qui, et à qui se vouer, parce qu’on se sent abuser, tromper, il n’y a pas pire à nos yeux que celui qui retourne sa veste, on lui préfère celui qui est prêt à mourir pour une cause qu’il sait perdu d’avance : c’est un héroïsme qui répond à notre vision romantique des choses. Serais-je alors d’humeur massacrante pour avoir envie de me faire l’avocat du diable ou plus précisément de celui qui retourne sa veste ou aurais-je vu l’ineptie et peser les conséquences de la bien-pensance et du politiquement correct ?
Ne pas trahir les siens. Que c’est noble. Mais n’est-ce pas plutôt la peur de perdre son identité et sa famille identitaire, son port d’attache qu’on ne veut pas quitter. Où est le vrai courage et que fait-on de sa liberté ? Celui qui retourne sa veste le ferait par intérêt et celui qui ne retourne pas sa veste ne le ferait-il pas aussi par intérêt ? Et puisque c’est surtout quand on parle de politique qu’on parle de celui qui retourne sa veste et qu’il n’est pas utile d’aboyer avec la meute mais plutôt de nous interroger si nous ne pouvons pas au contraire reprocher à celui qui porte nos idées de ne pas les porter là où elles auraient toutes les chances de se réaliser plutôt que de s’entêter à les défendre comme on défend sa propriété, c’est-à-dire sans même consentir à ce qu’elles soient reprises par d’autres.
Nous comprenons mieux l’absurdité de cette position si nous remplaçons les hommes par des pièces et passons de l’échiquier politique au jeu d’échecs car tout n’est-il pas jeu de société ? Si, par exemple, sur l’aile gauche, le joueur d’échecs comprend qu’il n’a aucune chance de l’emporter il transfèrera ses pièces de l’aile gauche à l’aile droite de l’échiquier où il pourra mieux réaliser son plan. S’il s’entête sur l’aile gauche il passera aux yeux de tous pour un bien piètre joueur. S’il les déplace habilement sur l’aile droite en éveillant le moins possible l’attention de son adversaire, c’est-à-dire en le faisant le plus naturellement du monde, comme si de rien n’était, il ne passera pas pour quelqu’un qui retourne sa veste mais pour un bon joueur à qui l’on demandera conseil, et ses idées seront les bienvenues.
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