On se pose la question de si l’homme est bon ou mauvais et nos avis partagés montrent qu’on ne sait pas y répondre. La question par contre répond elle-même à une vision statique et figée des choses qui devrait être révolue. Une vision dynamique nous ferait voir les choses et les envisager différemment, nous poser la question autrement. Il ne s’agirait plus tant de savoir si l’homme est bon ou mauvais que de savoir si les rapports entres les hommes sont bons ou mauvais.
Je voudrais à ce propos parler de transcendance. Quelle idée me direz-vous ? Pourquoi pas plutôt parler d’égalité ? Parce qu’elle ne répond pas à ce que l’homme recherche dans son rapport à l’autre. Elle aplatit la relation. Qui veut d’une relation plate ? Qui n’aspire pas à une relation élevée ou qui l’élève ? Qui aspire à la mort parce que devant la mort on est tous égaux ? On aspire plutôt à l’amour parce que dans l’amour on se transcende
Je serais donc, vous direz-vous, pour une société inégalitaire ou les rapports entre les hommes sont des rapports de supérieur à inférieur, c’est-à-dire des rapports de force, et où l’on n’est pas sur un pied d’égalité, où on ne se parle pas d’égal à égal ? Non ! Je suis pour une autorité naturelle et légitime, une autorité amoureuse où l’on boit les paroles de l’autre. Elle ne se fonde pas sur l’égalité et encore moins sur le semblable. Elle se fonde sur ce qu’il y a en l’homme d’humain et sur l’attachement qu’il porte par conséquent à la parole comme au travail source d’échanges entres les hommes.
J’ai mentionné le travail parce que c’est le rapport dans le travail et non pas le rapport amoureux qui pose problème et exigerait, pense t-on, l’égal et le semblable. Les collègues de travail. On s’entendrait parce qu’on est égaux. La classe ouvrière et la classe patronale. On ne s’entendrait pas parce qu’on n’est pas égaux. Mais ne retrouve t-on pas là une vision statique et figée des choses ? On ne s’entendrait pas parce qu’on est différent ? Ne s’entendrait-on pas plutôt parce que notre rapport à la différence est mauvais ? Parce que d’un côté l’on place les bons et de l’autre les mauvais ?
L’homme a toujours cherché à se dépasser. C’est sa transcendance qu’on voudrait lui ôter ? Par une société égalitaire on lui en enlèverait jusqu’à l’esprit, on lui en ôterait jusqu’à l’envie. Car s’il est vrai que c’est en se mesurant à l’autre et en le dépassant que l’homme a le sentiment de s’affirmer, et il affirme en effet cette transcendance, l’on fait fausse route quand l’on parle de pouvoir, de domination, ou que l’on s’arrête à penser cela, qu’il n’y aurait que cela. La preuve en est que sitôt qu’il aura dépasser un tel il cherchera à en dépasser un autre et ainsi indéfiniment, car c’est l’homme qui veut dépasser l’homme qui n’est autre que lui-même à la recherche de ce qui le transcende.
Mais revenons au travail. C’est parce que le travail n’offre plus cette possibilité de dépassement à l’homme, c’est-à-dire d’affirmation par son travail, qu’il est aliénant, et que l’homme pourrait le fuir plutôt que le rechercher, ou le rechercher pour ce qu’il rapporte et non pour ce qu’il est, ce qui est le propre de l’aliénation : le fou prend et fait les choses non pas pour ce qu’elles sont mais pour autre chose que ce qu’elles sont. C’est alors une autorité gratuite et non légitime qui s’affirme parce qu’elle ne s’affirme plus dans le travail mais que dans l’exercice de l’autorité même, comme l’argent qui ne fait plus de l’argent qu’à partir de l’argent et plus à partir du travail de l’homme
Il n’y a plus que dans le sport où l’homme avide de dépassement et même s’il n’y gagne rien va alors se donner à fond. C’est là aussi où il va reconnaître l’autorité du coach, boire les paroles du coach. Il va s’abreuver de ce qui pour lui peut être source de dépassement. Augmenter les salaires tant que vous voulez pour faire travailler l’homme quand vous ne ferez que faire travailler un esclave et l’égalité des salaires ne sera que l’égalité des esclaves. Tandis que l’homme s’épuisera à faire du sport pour pas un sou.
Vous ne voulez plus entendre parler de transcendance parce que vous ne voulez plus entendre parler de dieu. Et les hommes reprennent des idoles (de la variété comme du monde du sport). Et il faut en effet arrêté de chercher dieu en dehors de nous. Ce que l’homme a oublié c’est que dieu est en lui, en chacun de nous, et que c’est là qu’il doit aller le chercher et qu’il est naturellement porté à le chercher. Et comment sinon par le dépassement : l’homme passe infiniment l’homme, écrivait Pascal.
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