dimanche 25 avril 2021

Le saint

 

Je ne parle pas du saint que l’on vénère quand on est croyant. Mais de celui dont on dit : ce type est un saint comme on pourrait dire ce type est un idiot et on a pour lui en effet ce que l’on a pour les idiots : un certain mépris comme une certaine appréhension. On ne peut pas savoir ce qu’il peut bien lui passer par la tête ni ce qu’il peut faire. Cela n’est pas complètement infondé. Si ce type est un saint il ne peut pas plus croire en l’homme que tout celui qui en aurait subi les humiliations, les travers, et par conséquent rien vouloir d’autre et de mieux (car n’oublions pas que c’est un saint et qu’il ne peut par conséquent rien lui vouloir de mal) pour cet homme que de l’élever d’un petit degré au-dessus de sa condition d’homme ; ce qui n’est pas améliorer ces conditions de vie, car ce serait le même homme vivant dans des conditions meilleurs, et il n’a pas vu que les conditions de vie amélioraient l’homme dans le sens qu’elles le rendaient meilleur.

On comprend mieux pourquoi après les camps de concentration des philosophes se voient reprocher de ne plus traiter de l’homme et de son existence, de lui préférer le je ne sais quoi et le presque rien, d’en faire appel aux vertus, au sacré ou à l’utopie. Ils n’ont pas l’intention de passer pour des saints et encore moins des idiots, mais ils ont pris, tout comme le saint, de l’homme la mesure et conscience que toutes les lois du monde, comme toutes les richesses du monde ou leur juste répartition, ne pourront rien faire contre cet homme qu’ils ne peuvent plus aimer à moins qu’il ne s’élève d’un degré au-dessus de sa condition d’homme, ce qui ne ferait peut-être pas encore de lui un saint mais lui éviterait d’être un monstre. Ce n’est pas qu’ils ne peuvent pas renoncer à Dieu c’est qu’ils ne peuvent pas renoncer à l’homme, et c’est pourquoi ils ne voudraient pas que le chemin de la morale comme celui de la religion lui soit complètement fermé.

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