Je suis content de n’être rien pour le boulanger. Un boulanger est venu chez moi sans se gêner pour moi. Il m’a donner du vous parce qu’il ne voulait pas que je le tutoie. Il y avait la femme du boulanger et le fils du boulanger qui ne savait pas encore pétrir le pain et à peine marcher, mais l’on ne pétrit pas le pain comme l’on foule le raisin. Tout ce petit monde était on ne peut plus à l’aise et parlait sa langue natale : le tunisien. C’était là-bas que Walid avait appris à faire du bon pain, et il en était fier. On ne pourrait pas dire de Walid qu’il était venu "voler le pain des français". Ils avaient amené de la pâtisserie. Walid avait aussi appris à faire de la pâtisserie française. Je lui ai dit que j’aimais la pâtisserie orientale. Je ne suis pas sûr que c’est ce qu’il fallait lui dire à Walid pour lui faire plaisir. Il était si fier de sa pâtisserie française. La femme du boulanger attendait encore un enfant et je donnerais ma main à couper que c’était encore du boulanger. Ce n’est pas comme dans le film La femme du boulanger. Cette fois-ci la femme du boulanger était vraiment la femme du boulanger et ça se voyait à son ventre qui avait levé comme une bonne pâte. Tout ce que je peux dire après l'avoir vu à Walid c’est que quand on voit un boulanger de près ce n’est pas comme quand on voit un boulanger de loin ; et que tant qu’on n’a pas eu un boulanger chez soi on n’a pas vu un boulanger de près. En réalité, et tandis que celui vu de loin ne cesse d’être à notre vue qu’un boulanger, ce dernier cesse aussitôt d’être un boulanger pour être un homme qui fait le métier de boulanger. Walid avait sans doute été un homme à femmes avant d’être un homme à pains et sans doute n’en avait-il pas cessé pour autant d’être un homme à femmes puisqu’il était venu avec sa femme Fatma et son employée Radja, toutes deux aussi belles l’une que l’autre. Youcef, le petit, n’a pas quitté, non pas le giron de sa mère, qui comme on l’a dit était bien grosse, mais les genoux de son père qui donc, en outre d’être un bon boulanger et un bon mari, était un bon père pour Youcef. Walid était un homme qui n’oubliait pas non plus les affaires et bien que ce soit dimanche et un repas entre amis, car il était encore l’ami d’une amie qui avait voulu nous le faire connaître, il me demanda si l’appartement était à vendre ou si j’avais connaissance dans le coin de quelque appartement qui le serait, histoire de me donner le change. Walid devait se sentir en fond et le pain comme la pâtisserie bien se vendre. C'est que Walid était, à rajouter à son actif, loin d’être bête et un homme qui allait droit au but. Quant à moi je n’étais pour lui rien, comme dit précédemment, ou dit plus précisément ou plus amplement, rien d’autre que quelqu’un qui possédait un bien qu’il pouvait lui, Walid, convoiter et acquérir tout aussi librement. Je m’empressais donc de lui dire que même cela je ne l’étais pas. Non seulement je n’étais rien mais je ne possédais rien. C’est à ma femme, Walid, que je lui dis. Et nous restâmes bon ami, Walid le boulanger et moi, car on promis de se revoir. Et je serais fier à mon tour de dire que je compte, moi qui ne suis rien, parmi mes amis un boulanger, si je ne savais combien souvent les hommes, fussent-ils ou pas boulanger, ne tiennent pas leur promesse.
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