Ce qui est visible c’est par exemple que les nouvelles générations sont plus grandes, peut-être n’est-ce pas une vérité scientifiquement démontrée mais tout le monde le dira : qu’est-ce qu’il sont grands les jeunes d’aujourd’hui, ça viendrait d’une alimentation plus riche, là-dessus aussi on n’a aucune certitude de ce que l’on avance sinon que c’est une opinion largement partagée qui ne sera pas contestée : c’est dans l’esprit de tous que de penser cela. Eh bien, il est quelque chose qui pour ne pas être aussi visible comme la différence de taille entre les générations semble être aussi une évidence pour tout le monde et marquer un changement aussi radical. Le sentiment d’indépendance de l’homme vis-à-vis de la société a grandi de génération en génération au point qu’il se vit maintenant comme totalement indépendant de la société. On est en effet très loin de l’époque tribale où l’exclusion d’un de ses membres était vécue comme une mise à mort : exclu de sa tribu, rapportent les ethnologues d’un autre âge et par conséquent très friands de ce genre d’anecdotes, l’indigène se laissait mourir. Aujourd’hui, soyons honnête, qui irait encore mourir pour sa patrie, de là s’est fait sentir la nécessité d’une armée de métier. Bien entendu, dire que les générations sont plus grandes ne veut pas dire non plus que tous les enfants ont dépassés leurs parents ; de même il y a encore qui donnerait sa vie pour sa patrie. Et puis, une fois de plus, la réalité pourrait être tout autre que cela n’enlèverait rien au sentiment que l’homme a : et d’être plus grand et d’être plus indépendant. Cette réalité même si elle n’était pas une réalité il faudrait encore en tenir compte comme d’une réalité. C’est un changement radical dans la pensée du monde, dans comment l’homme se pense dans le monde. Et que cette pensée soit vraie ou fausse n’est pas la question, n’y change rien. Peut-être que la société (dans la personne de ses représentants) trouve que l’homme n’a pas encore atteint l’âge d’être indépendant, d’être autonome, et voudrait continuer à s’adresser à lui comme il s’est toujours adressé à lui, quand ce dernier croit au contraire, à tort ou à raison (peu importe), être majeur et pouvoir se passer de la société comme on se passe quand on est majeur de ses parents et ne répond plus à leur autorité. Est-ce que la société va alors réagir en père autoritaire et fouettard ? Auquel cas elle mettra l’homme en situation de montrer s’il est indépendant ou pas, et ce qui doit inéluctablement se faire mais de façon douce se fera de façon violente. On parle déjà de fracture sociale. Cependant il ne s’agira plus d’une fracture sociale qui concerne une partie de la population par rapport à une autre partie de la population dite intégrée, mais de toute la population d’une société par rapport à cette même société de type étatique, dont le cadre juridico-politique serait devenu inopérant et obsolète. Les appels à la raison n’y feront pas plus que les appels aux sentiments. Il ne s’agit pas plus d’amour ou de désamour, ni davantage de si l’homme est un être rationnel (que par conséquent l’on peut ramener à la raison) ou pas. Rationnel ou pas, l’homme se pense, et s’il a cessé de se penser dans la société la société aura beau dire, aura beau faire, elle connaîtra ce désarroi qu’on connu tous les parents qui ont vu un jour leurs enfants partir. Laissons le soin aux sociologues ou autres chargés d’études de se demander pourquoi l’homme aurait cessé de se penser dans la société, de si c’est dans l’évolution naturelle des choses, donc à ne pas contrarier, pas plus que d’en accuser inutilement ladite société, mais plutôt à prendre comme un fait accompli, c’est-à-dire avec lequel il faut traiter, traiter de l’homme, de comment l’on peut continuer à le protéger, car n’est-ce pas cela la vocation des parents comme de toute société qui a charge d’hommes et est prête le cas échéant à son propre sacrifice, sa disparition serait alors dans l’ordre des choses et signe d’humanité, d’une société humaine. L’œuf de la rébellion s’il échappe à sa vigilance c’est qu’il n’est pas fait pour qu’elle le détruise mais pour la détruire et il n’y aura pas de plus belle rébellion que celle qui s’ignore en tant que rébellion, parce qu’elle est tout ce qu’il y a de plus naturelle comme l’est tout mouvement d’indépendance quand il est la marque non pas tant que la société dépérit mais que l’homme grandit.
NB
A noter ce retournement de situation cocasse : ce n’est plus la société qui demanderait à l’homme de se sacrifier pour elle mais la société qui se sacrifierait pour l’homme.
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