vendredi 18 décembre 2020

Retour à l'homme (et au corps de l'homme)

 

Pour faire simple et rapide on pourrait dire qu’il fut un temps où l’on se faisait une très mauvaise idée de l’homme et une très bonne idée de la société. Autant dire que ce temps est révolu. On penserait aujourd’hui plutôt mal de notre société et bien de l’homme, que cet homme soit une femme, que cet homme soit un noir, que cet homme soit un homosexuel, que cet homme soit… Je pense que je peux m’arrêter là parce que vous aurez déjà compris qu’on n’a pas toujours bien pensé de l’homme. Sans compter ce qu’en pensait la religion. On ne savait pas très bien non plus faire la part des choses entre l’homme et l’animal et dès que l’homme se comportait mal on accusait « la bête qui est en nous ». Cet animal aurait refait surface pendant les grandes guerres et ses monstruosités seraient son fait, celui de sa résurgence en l’homme, alors que les guerres sont le propre de l’homme, et qui plus est de l’homme en société (ce sont des guerres de sociétés voulu par des état nations, des sociétés état, des partis d’état…), l’homme dans la nature quant à lui se serait contenté comme tous les animaux d’assurer sa survie plutôt que de chercher l’extermination d’une espèce. Il n’empêche que Giorgio Agamben sous-titre un de ses nombreux ouvrages De l’homme à l’animal, comme quoi ce problème resterait selon lui crucial. Il est intéressant de voir comment la fin de l’histoire (Hegel) marquerait le retour à l’animalité quand toute l’histoire serait perçue comme éloignement progressif, voire séparation voulue (plus qu’effective),  tentative plus ou moins réussi de démarcation, entre l’animal et l’homme, l’animalité et l’humanité. Oserais-je cependant ajouter une petite précision à tout cela : fin de l’histoire, certes, mais de l’histoire des sociétés et début de l’histoire de l’homme. 

Ce début de l’histoire de l’homme est lui marqué par le souci de son milieu vital et de son corps. Ce qui ne serait pas passé inaperçu des politiques toujours selon Giorgio Agamben : « … dans la modernité, l’homme (ou l’Etat pour lui) commence en revanche à prendre soin de sa vie animale et où la vie naturelle devient l’enjeu de ce que Foucault a appelé le biopouvoir. » Il ne faut pas être il est vrai un grand penseur pour constater que ce qui revient le plus dans les conversations comme dans les préoccupations des hommes est la préservation de la nature et le soin et le temps qu’ils peuvent accorder à leur « body ». Pourquoi ce mot anglo-saxon sinon parce qu’il renvoie à d’autres comme « l’American way of life » dont parle aussi Kojève cité par Agamben comme genre de vie propre à la période post-historique et au body building et au jogging que tout le monde connaît et beaucoup pratiquent. Bien sûr l’âme, bien sûr le cogito, bien sûr le langage, c’est plus rassurant pour l’homme mais l’est moins le darwinisme et la science dans ces pratiques actuelles comme la mise en coma artificiel ou l’on demeure en vie, oui mais quelle vie ? La vie organique, la vie animale, et ce que l’on ferait à partir des cellules humaines pourrait-il encore s’appeler un homme ? Aux interrogations du philosophe italien s’ajoutent donc celles engendrées par les avancées de la science, surtout quand elles affectent le corps puisqu’il est passé au premier plan de nos préoccupations et l’on pense alors à la chirurgie esthétique, aux implants. Mais plutôt que de parler du problème de l’animal ou de l’animalité on devrait plutôt parler du problème d’un corps sans tête car, que je sache, les animaux ont une tête eux même si ce n’est qu’une tête d’animal. Il suffira donc à l’homme de garder toute sa tête, de ne pas perdre sa tête pour son corps. Il est naturel cependant que dans l’euphorie de ses retrouvailles avec son corps l’homme perde un peu la tête et ceci de façon, espérons-le, momentané. Ce qu’il faut bien comprendre par contre c’est que l’homme veut avoir une bonne idée de lui-même et que cette bonne idée de lui-même ne passe plus par la société mais par son corps.

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