samedi 19 décembre 2020

Retour à l'homme (et à la différence)

 

Pourquoi je me résiste à une définition de l’homme sinon parce qu’elle ne ferait que renforcer une fâcheuse tendance qui est celle de les croire tous semblables. Qu’ils deviennent semblables ne veut cependant pas dire qu’ils ne naissent pas différents. Mais voilà que l’on dit : « oh ! Comme il ressemble à son père ». Et on ne le dirait pas tant si cela n’était pas reçu comme un compliment. J’aimerais que cela soit reçu comme une insulte indépendamment des qualités du père. De même quand l’on voit deux frères et qu’on dit : « je n’aurais jamais deviné que c’était ton frère ». C’est deux jumeaux que l’on aurait voulu voir. Quand c’est l’amour et pas la ressemblance qui nous rend frère. Et en général l’amour se nourrit plus de la différence que de la ressemblance. L’amour et la haine aussi pour ceux qui ne supporteraient pas la différence. On parle beaucoup de la liberté mais on l’attache beaucoup moins à la différence quand il n’y a pas de liberté sans droit à la différence. Nous existons, que je sache, à titre individuel, comment voudrait-on que cette existence individuelle se satisfasse d’une existence de masse ? Nier notre droit à la différence c’est donc nier notre existence individuelle pour ne nous reconnaître qu’une existence de masse. Je ne dirais même pas sociale comprenant le social comme une imbrication de volontés individuelles, sinon nous ne serions que des moutons. La société a peur de l’anarchie, elle aura les mouvements de masse et la foule sans nombre et sans nom. Le cogito c’est la philosophie du sujet et le sujet c’est l’homme dans son individualité, faut-il le rappeler. A ce propos comment ne pas se demander si l’on peut toujours appeler mouvements sociaux des mouvements non structurés, qui n’ont personne à leur tête, sinon plutôt des mouvements de masse ou de foules ? C’est le paradoxe : il n’y aurait pas plus de mouvement social que de société sans homme non pas pris au pluriel et dans leur ressemblance mais au singulier et dans leur différence. Le retour à l’homme c’est le retour à la reconnaissance de l’homme non seulement en tant qu’individualité au singulier mais en tant qu’individualités au pluriel. S’assembler n’est pas se confondre : on n’est pas obligé de se ressembler pour se rassembler comme on n’a pu, au grand étonnement de tous (de tous ceux qui n’ont pas compris l’homme), le constater lors du mouvement des gilets jaunes. On revête un gilet jaune comme une cause commune l’instant de la défendre sans perdre pour autant son individualité. Peut-être devrait-on aussi entendre ce genre de message qui plaide pour un homme libre, c’est-à-dire différent.

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