lundi 20 juillet 2020

Le "tous pourris"


Hannah Arendt se serait élevé contre le « tous pourris » comme elle s’est élevé dans son livre Responsabilité et jugement contre ce sentiment de culpabilité ressenti pendant la période d’après-guerre en Allemagne qui fit que tout un peuple voulu endosser la responsabilité de quelques uns, en faire une responsabilité collective, en se sentant tous coupables à la place des vrais coupables. Pour Hannah Arendt il faut distinguer la responsabilité politique, qui revient au gouvernement et à lui de s’excuser des fautes du passé au nom de tous, de la responsabilité personnelle. Cette confusion des deux, responsabilité politique et responsabilité personnelle, est dangereuse en cela que de dire que tout le monde est coupable revient à dire que personne ne l’est. Et n’est-ce pas ce qui arrive quand on dit : « tous pourris ». 

Ma grand-mère qui habitait Levallois-Perret où les Balkanis étaient déjà sur la sellette était véritablement choqué par le procès qui leur était fait, parce que, disait-elle, si l’on commençait comme cela c’était tout l’establishment qui allait y passer. A sa façon plutôt conservatrice ma grand-mère avalisait le « tous pourris » et l’idée de responsabilité collective quand il n’y a, faut-il le rappeler, selon Hannah Arendt, que de responsabilité personnelle, c’est celle-là seule que l’on peut condamner et juger, d’où le titre de son ouvrage Responsabilité et Jugement. De même que l’on jugea les responsables nazis et pas tous les allemands qui éprouvaient à la suite de leurs agissements criminels un sentiment de culpabilité. 

Hannah Arendt parlait de dangereuse confusion morale parce que cette responsabilité porté par tous au nom de certains aurait pour conséquence fâcheuse de les absoudre : L’admission spontanée de cette responsabilité collective a eu pour résultat le blanchiment très efficace quoique inattendu de ceux qui avaient fait quelque chose. Hannah Arendt se serait donc réjouis avec nous des condamnations récentes de nos hommes politiques non vertueux qui n’ont pas entraîné, comme le craignait ma grand-mère ou comme le souhaiteraient les partisans du « tous pourris », toute la classe politique avec eux.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire