Hannah Arendt se serait élevé contre le « tous pourris »
comme elle s’est élevé dans son livre Responsabilité et jugement contre ce
sentiment de culpabilité ressenti pendant la période d’après-guerre en
Allemagne qui fit que tout un peuple voulu endosser la responsabilité de
quelques uns, en faire une responsabilité collective, en se sentant tous
coupables à la place des vrais coupables. Pour Hannah Arendt il faut distinguer
la responsabilité politique, qui revient au gouvernement et à lui de s’excuser
des fautes du passé au nom de tous, de la responsabilité personnelle. Cette
confusion des deux, responsabilité politique et responsabilité personnelle, est
dangereuse en cela que de dire que tout le monde est coupable revient à dire
que personne ne l’est. Et n’est-ce pas ce qui arrive quand on dit : « tous
pourris ».
Ma grand-mère qui habitait Levallois-Perret où les Balkanis
étaient déjà sur la sellette était véritablement choqué par le procès qui leur
était fait, parce que, disait-elle, si l’on commençait comme cela c’était tout
l’establishment qui allait y passer. A sa façon plutôt conservatrice ma
grand-mère avalisait le « tous pourris » et l’idée de responsabilité
collective quand il n’y a, faut-il le rappeler, selon Hannah Arendt, que de
responsabilité personnelle, c’est celle-là seule que l’on peut condamner et
juger, d’où le titre de son ouvrage Responsabilité et Jugement. De même que
l’on jugea les responsables nazis et pas tous les allemands qui éprouvaient à
la suite de leurs agissements criminels un sentiment de culpabilité.
Hannah
Arendt parlait de dangereuse confusion morale parce que cette
responsabilité porté par tous au nom de certains aurait pour conséquence
fâcheuse de les absoudre : L’admission spontanée de cette responsabilité
collective a eu pour résultat le blanchiment très efficace quoique inattendu de
ceux qui avaient fait quelque chose. Hannah Arendt se serait donc réjouis avec
nous des condamnations récentes de nos hommes politiques non vertueux qui n’ont
pas entraîné, comme le craignait ma grand-mère ou comme le souhaiteraient les
partisans du « tous pourris », toute la classe politique avec eux.
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