Comme si cela lui était adressé, venu d’une communauté
secrète et solidaire à laquelle il se sentait appartenir, d’abord ce qu’il
avait lu sur le sac de cette jeune femme dont il n’avait même pas croisé le
regard et habillée d’une robe qu’on aurait dit être une tunique et coupée court
comme un bonze « Keep calm and carry », qui le renvoyait à ce qu’il
avait lu dans ce qui lui semblait être les dernières page de l’Ours, une
nouvelle de Faulkner, et qu’il rechercha et qu’il retrouva écrit, mais pas
exactement dans les dernières pages, à la deux cent quarante septième d’une
édition Gallimard, L’imaginaire, : Et leurs vertus … « …
L’endurance » ; et Mac Caslin : « Les mulets
aussi » ; et Lui : « …et la pitié, la tolérance, la
patience, la fidélité, l’amour des enfants… » ; et Mac Caslin :
« Les chiens aussi »
Ce que Faulkner avait écrit sur le peuple noir il lui
semblait qu’il aurait pu l’écrire sur le peuple Kanak ou sur tous les peuples
en souffrance ou sur tous les êtres en souffrance ou asservis comme peuvent
l’être les mulets ou les chiens, qui tous développent les qualités propres à
leur condition, celles qui leur permettent de « Keep calm and carry »
parce qu’il ne leur est pas permis d’être autrement, comme il n’avait pas été
permis à un certain peuple de faire les métiers de tout le monde, qui, interdit
de faire toute chose concrète et matérielle, apprit mieux que tout le monde à
manier les concepts et les chiffres et par les chiffres et les concepts qu’on
ne leur reconnaît pas encore comme vertus (quoique l’on peut parler de
virtuosité dans leur maniement), pas plus que Mac Caslin dans ses
réponses : « Les mulets aussi » ; puis « Les chiens
aussi » ne semble élever à la hauteur de dignité humaine ce qu’il a
pourtant au préalable nommé vertus chez le peuple noir parce qu’elles ne sont toujours que l’apanage
des vaincus, des humiliés, et qu’il faudra attendre pour qu’elles s’érigent en
vertus cardinales une humanité meilleure ou, pas plus que la raison ne sera la
raison du plus fort, les vertus ne seront que les vertus du plus fort.
Ceux qui font étalage de leurs richesses ou de tout autre
signe de puissance sont moins enclins à le faire de ce type de vertus. Comment
pourraient-ils le faire s’ils ne les possèdent pas ? C’est juste. D’abord,
ils ne les possèdent pas. Mais comme ils sont pour habitude de faire étalage de
ceux dont ils se sont indûment appropriés cela ne les gênerait pas d’en faire
autant de ces vertus (et il le font quelque fois) quand ils préfèrent souvent
mettre en avant le courage, l’esprit d’initiative, l’intelligence, la volonté
qui est volonté de domination. Quant à lui il se sentait appeler à plus
d’endurance, de patience, de tolérance, à « Keep calm and carry »
s’il ne voulait pas sombrer comme avaient sombré tous ceux de sa condition qui
n’avaient pas développé assez de ces qualités ou vertus à quoi leur survie en
tant qu’espèce était attachée.
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