mercredi 28 février 2018

Il y a des coïncidences qui ...


Il y a des coïncidences qui ne sont peut-être pas des coïncidences. J'ai ramené mon mobilier : une table en verre, quatre chaises en rotin, un fauteuil, du studio où j'habitais avant de connaître Nisa. On a vécu deux ans chez moi avant de venir ici, chez elle. Mon studio était au 2 rue Keller, près de la Bastille à Paris. Son appartement grand standing est au 50 quai du parc, près des bords de marne à Saint-maur. La table en verre, les quatre chaises en rotin et le fauteuil du studio sont maintenant sur la véranda de l'appartement grand standing qui a à peu près la dimension du studio. S'y est ajouté un matelas jeté à même le sol, c'est là que je dors. Au studio il y avait un futon, mais je ne l'ai pas ramené.

Voilà enfin réunies les conditions de ma pauvreté. Ce n'est pas exactement ça ce que je me suis dit. Mais jamais je ne me suis vu riche, et je ne me verrai jamais riche. Puis voilà que ma riche femme tombe malade, que son patrimoine est confisqué par les banques et que je dois gérer ses maigres revenus, sa petite retraite de coiffeuse, tandis que l'argent qu'elle a mis consciencieusement de côté pendant une vie de dure labeur dort à la Société Générale et à la Poste où fait des petits qu'elle ne verra jamais. Ce n'est pas qu'ont aient ensemble dépensé sans compter pendant ses années où ma femme était une belle femme en bonne santé, mais on a vécu.

Je crois tenir là la différence essentielle entre un riche et un pauvre. Un riche vit tandis qu'un pauvre ne vit pas, c'est cela que l'on appelle vivre pauvrement où avoir une vie pauvre. Il y a peut être plus de trois ans qu'on n'a pas pris de vacances. Et cela fait à peu près un an que je vis sur la véranda sans chauffage mais avec de bonnes couvertures. Pour que ma femme puisse demeurer en bas dans le vaste salon avec son podium et son mur miroir, où il y a aussi deux canapés et la télé. C'est ce qui surprenait celui qui entrait dans cet appartement grand standing et faisait toute sa fierté, le podium, le miroir, les canapés. C'est aussi une coïncidence qui n'est pas une coïncidence que ce soit là qu'elle dorme maintenant, sur ce canapé où harassée de fatigue, n'ayant même pas la force d'aller jusqu'à sa chambre, elle s'endormait seule devant la télé, après une journée de plus de dix heures de travail.

Elle est à nouveau seule chez elle aujourd'hui. Bien que je sois là ou plutôt sur la véranda sans télé mais avec l'ordinateur. Bien qu'en bas, sur l'autre canapé il y ait Martine qui veille sur elle nuit et jour. Elle a retrouvé son appartement. J'ai retrouvé mon studio. On dort comme on a toujours dormi, quand on dormait l'un sans l'autre. A tous notre situation paraîtrait anormale. Mais moi je dis qu'elle est rentrée dans la normalité. Jamais je ne me suis vu riche. Jamais elle ne s'est vue pauvre. Et je suis aujourd'hui le pauvre comme tous les pauvres qui permettent par leurs actions conjuguées que les riches soient riches et le demeurent jusqu'à la fin des temps. C'est ce que je me suis dit pour Nisa : tu ne connaîtras pas la maison de retraite parce qu'en maison de retraite il n'y a que des pauvres : un riche vit tandis qu'un pauvre ne vit pas, et on ne vit pas en maison de retraite, on meurt.

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