Que les êtres aient de la présence au-delà de leur présence voilà ce que son absence me démontrait, mais cela n'était-il pas seulement dû à l'amour qu'on leur portait?
Une photo d'elle que son frère m'avait montrée me laissait penser que non, qu'il y avait des êtres qui au fur et à mesure de leur existence gagnaient en présence, était-ce en expérience qu'il aurait mieux valu dire?
Sans doute l'expérience n'y était-elle pas pour rien et leur faisait-elle gagner en présence, mais seulement alors à ceux que l'expérience grandissait au lieu de les amoindrir, libérait au lieu de les assujettir.
Le frère n'était pas non plus sans avoir une certaine présence, aussi de caractère, bien que leur expérience de la vie fut différente, et l'on voyait bien là que l'expérience n'était pas tout, comme qu'il avait une autre manière de se faire aimer.
L'un et l'autre de manière diamétralement opposée, mais chacune concourant sans doute tout autant à cette présence forte qu'ils avaient, cette présence au-delà de la présence qui faisait que de les avoir connus on ne les oublierait pas de sitôt.
Je n'étais pas le seul que Sylvie avait marqué par sa présence sans quoi on pourrait seulement parler d'amour et elle ne la tiendrait pas que d'elle sa présence sinon aussi de celle que je lui prêtait, or elle avait toujours existé à part entière et ainsi continué a être.
J'entends par là que ce n'était pas d'être avec moi qui la faisait moins être ou plus être, qu'elle a toujours été indépendamment de moi ce qu'elle a été et je crois que c'est ce qui fait chez certains êtres la force de leur présence, celle que d'être une présence à part entière.
Et je ne parle pas tant d'indépendance que d'intégrité de la personne, que d'absolu de l'être, et c'est vers l'absolu de l'être que tout être tend, seulement il y a qui s'en approcheraient plus que d'autres, qui arriveraient plus que d'autres à être eux-mêmes, et cela quels qu'il soient.
NB
Fabienne Godet, la metteur en scène à qui l'on doit entre autres La tentation de l'innocence et Sauf le respect que je vous dois, dans un entretien se défendait de qui pouvait lui demander quel était ce moi ou le soi dont elle se réclamait en disant qu'avec l'âge elle savait de plus en plus ce qu'elle voulait et surtout ce qu'elle ne voulait pas. Il faut croire alors qu'il y en a qui le savent beaucoup plus et bien mieux que d'autres, aussi qu'avant les autres approchent l'absolu de l'être, aussi leur présence est remarquable et remarquée.
Il y a aussi dans L'échange de Paul Claudel ce personnage haut en couleur qui je crois me souvenir se dénommait Thomas Pollock Nageoire dont tout le poids dans l'existence reposait sur la connaissance qu'il avait de lui-même et par conséquent aussi des autres qu'il savait peser et soupeser.
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