Je n'ai plus de chien. Est-ce dire que je n'ai plus une pensée chien car longtemps j'ai pensé pour mon chien. J'étais mon chien. Je regardais comme regardait mon chien. Et jamais plus haut que les herbes. Jamais mon regard ne s'élevait jusqu'au ciel.
Les odeurs je commençais aussi à les flairer. Les autres chiens à ne pas les sentir si mon chien ne les sentait pas. Je remuais encore la queue pour les humains qui me plaisaient, et grognait contre qui je craignais; je pouvais aussi être chien.
Il n'y avait plus d'hôtel ou de restaurant ou de compartiment de train où l'on n'acceptait pas les noirs et les chiens, mais il y en avait encore où l'on n'acceptait pas les chiens, et comme je pensais pour mon chien je devais y penser. Je n'y pense plus depuis que mon chien n'est plus.
Je pensais à la gamelle de mon chien comme si c'était la mienne de gamelle et aux sorties de mon chien qui étaient aussi les miennes de sorties et à nos rencontres qui étaient des rencontres canines. C'est que mon chien me faisait mener une vie de chien.
Je commence a oublier ce que c'est qu'une vie de chien depuis que je n'ai plus de chien, comme ceux qui sont à la retraite commencent à oublier ce qu'est une vie de travail; aussi comme ils commencent à oublier ce que c'est penser travail j'oublis ce que c'est que penser chien.
Mais j'ai une pensée pour ceux qui ont un travail comme pour ceux qui ont un chien car ils sont en laisse et à l'autre bout de la laisse, que ce soit par un chien ou par un travail qu'on les tient, il y a la société et c'est elle qui tient la laisse.
Qui pense chien ou qui pense travail la société ne viendrait pas le lui reprocher mais qui pense comme qui n'a plus de travail et n'a plus de chien, c'est qu'il n'est plus tenu en laisse, c'est qu'elle pourrait se sentir par lui menacée la société.
Mais il y a la culture et après une pensée chien une pensée cultivée. La laisse devient plus subtile, moins visible, on la sent moins tirer à la société, on se sent plus libre parce qu'il y aurait une liberté de penser, du moins une pensée qui ne serait plus une pensée chien.
CITATION
Cool memories de Jean Baudrillard: "A Rome, Niccolini réussit à conjurer la hantise terroriste par la relance culturelle. Aux Romains qui n'osent plus sortir le soir, il offre des fêtes, des performances, des meeting poétiques, il fait descendre la culture dans la rue. Il combat la fête terroriste par la fête culturelle et publicitaire […] le seul moyen de lutter contre le terrorisme n'est pas de créer des institutions solides, c'est de mettre en scène une culture aussi sacrificielle, excentrique et sans lendemain que les actes terroristes eux-mêmes … "
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