jeudi 12 juin 2025

Un lecteur nonchalant


Blaise Pascal se trompait quand il disait que "tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre". Ah! s'il pouvait le voir non pas seulement aujourd'hui mais tous les jours de sa vie parce que tous les jours de sa vie c'est ce qu'il avait fait de mieux.

Tous ceux qui disaient que le travail c'est la santé se trompaient aussi car à l'âge qu'il avait il se portait comme un charme. On pouvait lui en vouloir pour ça. Eh bien, qu'on lui en veuille pour ça. Mais il y a mieux: qu'on fasse comme lui et l'on s'en portera mieux aussi.

C'est vrai qu'il y avait été aidé au début de sa vie en tombant malade. En tombant malade il avait dû garder le lit. Après c'est le lit qui l'avait gardé à lui de tout en général et des autres et du travail en particulier.

C'était un beau mercredi ensoleillé et il n'avait plus besoin d'être malade pour garder le lit. C'est ça qu'il y a de bien avec les habitudes acquises au prix de toute une vie sans mérite parce que, dites moi, qu'est-ce qui mérite qu'on quitte le lit et y laisse sa santé?

Entre la vie et lui il y avait les murs de sa chambre et la fenêtre de sa chambre, ce qui fait qu'elle lui arrivait comme la lumière de la lampe de chevet, tamisée, adoucie, et que c'est comme ça qu'il avait appris à l'aimer lui la vie comme à la trouver trop brutale, dehors.

Comme d'aussi rapides et brutales excursions à l'extérieur le lui avaient donnée à voir, car pour commencer il lui fallait se brutaliser pour sortir de sa chambre ou le brutaliser, car c'est ce qu'il ne pouvait faire que contraint et forcé mais souvent on le trouvait endormi.

D'ailleurs c'est ce qu'on disait de lui que c'était un endormi et il n'aurait pas voulu les détromper: c'était le seul moyen pour qu'ils lui fichent la paix tous ces agités incapables de garder la chambre quoiqu'ainsi il ne souffrait pas de leur compagnie.

Ils entendait les enfants criés mais pas si fort, pas si fort qu'il eut pris les enfants en grippe, c'étaient sur les bords de marne où s'étirait un long fleuve tranquille comme il aurait aimé que soit la vie, qu'en canoé kayak ils se divertissaient les enfants qui n'avaient pas école.

Et sa chambre en était un peu éloignée et séparée comme de toute l'humanité bruyante et nauséabonde mais que de là où il se trouvait il pouvait aimer car elle lui arrivait moins bruyante et moins nauséabonde. Mais il savait maintenant par expérience qu'il devait se tenir à distance.

A cet effet il n'entreprenait rien, rien qui n'eut pu lui faire quitter la chambre ou que ne quittant pas la chambre pu faire qu'on vint lui rendre visite: ce n'était pas la sienne de chambre que celle de Marcel Proust, pas même celle de ce grand blessé de guerre Joë Bousquet.

S'il jouait aux échecs sur Internet c'était un peu par vice comme la lecture ou tout autre masturbation intellectuelle ou physique, mais surtout pour ne rien faire d'entreprenant, c'était le sien de jeu du non jeu, comme s'il cherchait une chambre et à y trouver refuge, à s'y mettre à l'abri des mauvais coups qu'on pouvait lui jouer.

S'il lisait c'était Les carnets du sous-sol de Fédor Dostoïevski qui commence par: "Je suis un homme malade…Je suis un homme méchant" et ça le rassurait plutôt d'apprendre que si on l'obligeait un jour à quitter sa chambre il pourrait encore chercher quelque sous-sol auquel Blaise Pascal lui-même n'aurait pas pensé.

Enfin, s'il lisait c'est que dans les livres la vie arrivait comme dans sa chambre mieux ordonnée, plus apaisée, plus réfléchie, aussi plus plaisante. Ainsi, tandis qu'il n'aurait pas aimer connaître l'homme du sous-sol qui ne cherchait à plaire à personne il voyait bien que Fédor Dostoïevski en écrivant faisait des efforts pour plaire à son lecteur et il lui en était grès en le lisant.


CITATION

Les carnets du sous-sol de Fédor Dostoïevski: "Je vous assure, messieurs: avoir une conscience trop développée, c'est une maladie, une maladie dans le plein sens du terme. La vie quotidienne ne se contenterait que trop d'une conscience normale, … "

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