vendredi 13 juin 2025

La vie du corps


J'avais promis à l'auxiliaire de vie qui prenait bien soin de ma femme mais moins d'elle même, qui devenait obèse, que je lui donnerais 5O euros si en une semaine elle perdait 2,5 kilos et 100 euros si elle perdait le double, puis je l'avais pesée, la balance serait juge et témoin. 

Comme je rapportais cela à mon ami, et que j'ajoutais qu'avec un peu d'activité physique c'était faisable, il me reprit en disant que jamais le sport n'avait fait maigrir et c'était vrai qu'il était difficile de brûler autant de calories qu'on en emmagasinait dans le même temps.

Mais je crois qu'il faudrait voir plus loin si l'on voulait mieux comprendre la position de mon ami que mon expérience démentait déjà et c'était, comme je lui dis, que l'ennui et le stress faisait manger plus, tandis qu'une pratique sportive en enlevant le stress et l'ennui faisait manger moins.

Je n'étais cependant pas allé assez loin parce que je ne m'étais pas assez interrogé sur ce qui faisait ainsi penser mon ami et c'est je crois ce pouvoir excessif que l'on accorde à l'esprit tandis que l'on n'en donne aucun ou que très peu au corps.

Depuis les stoïciens pour qui les passions sont les maladies de l'esprit, en quoi en gouvernant son esprit (par l'action de la raison) on peut guérir les passions, jusqu'aux maladies psychosomatiques d'aujourd'hui qui seraient en partie donc psychologiques, on pense encore que c'est l'esprit qui ferait tout et qui pourrait tout.

Eh bien, je maintiendrais plutôt le contraire: que par l'exercice du corps on peut venir à bout non seulement de l'obésité mais de tout ce qui fait de nous des êtres dérangés (entre autre par les passions) justement par cette action et fonction équilibrante qu'il a sur l'esprit.

Il n'y a pas que la graisse qui quand elle ne se transforme pas en muscles part en sueurs mais les états grippaux ou bronchiteux comme ce jour où malade je donnais un cours de culture physique d'une heure qui me fit beaucoup transpirer, que je me couchais mort de fatigue, et que je me relevais douze heures après avoir sombré dans un sommeil réparateur et comme miraculé.

Quand le corps cède ce n'est pas encore le corps qui cède mais souvent l'esprit, c'est l'esprit qui est faible pas le corps, et c'est en cela et pour beaucoup que celui des animaux est plus fort que le nôtre, aussi celui qui est plus proche de la brute que de l'être pensant.

Et c'est à un ami aussi mais lui ayant souvenir de sa pratique du rugby s'accorda avec moi à penser qu'après une bonne partie de rugby comme moi après une rude séance de musculation il n'était plus cet intellectuel timide et timoré que la pratique assidue de la lecture avait fait de nous.

C'est que le corps produit des états psychologiques plus que les états psychologiques agissent sur le corps et s'ils le font ce n'est pas en bien tandis que les actions du corps sur l'esprit lui sont souvent et plutôt bénéfiques.

On pense mieux et plus fortement, c'est-à-dire avec plus d'intelligence et avec plus de volonté; c'est la force des fluides, ça circule mieux la dedans dans notre corps, d'autres diraient dans notre esprit sans qu'ils sachent toutefois dire où quand je dirais que partout où est le corps.

J'en appelle pour finir à Alain qui lui même dans ses Propos en appelle souvent au corps: c'est la nourrice qui arrête les pleurs du nourrisson en le berçant. Alain pour qui c'est en desserrant le poing qu'on dessert sa colère, en redressant le corps qu'on se redresse soi même.

Il n'y a pas de vie qui ne soit vie du corps et jusqu'à preuve du contraire il n'y aurait pas d'esprit qui ne soit esprit du corps; de là que les Grecs dans l'antiquité aient parlé d'un esprit sain dans un corps sain et c'était sans doute avant qu'on ne maltraite le corps.


CITATION

Henri Bergson: "Matière et esprit présentent un côté commun, car certains ébranlements superficiels de la matière viennent s'exprimer dans notre esprit, superficiellement, en sensations;"

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