mardi 10 juin 2025

Un foyer de vie


Tandis que je jouais aux échecs avec un ami le téléphone sonna. C'était ma tante. Bientôt je raccrochais pour reprendre la partie et ne pas trop faire attendre mon ami. Sans doute ma tante avait encore envie de parler avec moi. Il y avait des années qu'ont ne s'étaient pas vus.

Ne faites pas comme moi jeunes gens. Trop vite on oublie qui a été pour nous un foyer de vie auprès duquel on aimait à se réchauffer. Et c'était chaque fois que je me rendais accompagné de ma grand-mère dans cette vaste demeure où résidaient l'oncle Jo, la tante Danielle, et les cousines.

Mais c'était elle le centre, le foyer, qui tout animait, par elle que tout rayonnait de joie et de gaieté. Son mari mon oncle n'est plus mais quand il était elle parlait du garagiste qu'elle avait trouvé pas mal et c'était pour faire marronner la grand-mère et bisquer l'oncle Jo.

Elle faisait mille choses, allait en mille endroits, mais c'était lui l'homme qui travaillait, ça donnait des conversations animées, animée par elle surtout qui n'avait pas la langue dans sa poche disait la grand-mère; mais elle riait et ça faisait du bien, ça réchauffait l'âme chagrin.

Un peu taiseux l'oncle Jo, un peu folâtre la tante Danielle, un peu grognon la grand-mère, les cousines un peu gamines, et j'étais cet âme chagrin qui trouvait un peu de consolation a être là où elle pouvait recevoir un peu de chaleur humaine, de vie insouciante et riche qui brillait comme un soleil.

Un soleil qui sans doute est maintenant à son couchant resplendissant de ses meilleurs feux, donnant à la vie ses plus belles couleurs, invitant autant le regard que le cœur et l'âme bienveillante à ne pas oublier ce qui fut, ce qui est, aussi que ce qui ne meurt jamais, l'amour.

Mais tandis que je jouais il y avait aussi ma femme cet autre soleil qui avait tant brillé pour moi et auprès de qui j'avais tant trouvé chaleur et consolation. La maladie d'Alzheimer l'avait terrassée, elle ne bougeait plus de son fauteuil où je ne jetais plus que des regards distraits.

Ne faites pas comme moi jeunes gens, n'oubliez pas dans la dissipation de votre vie, dans ses distractions, ce qui fut pour vous foyer de vie, parce qu'il ne brille plus, parce qu'il s'éteint, parce que vous êtes vous-mêmes devenus foyer de vie.

Car même si chacun à sont tour devient foyer de vie, car même s'il y a plusieurs soleils dans l'univers, la conscience humaine est conscience de ce qui le réchauffe et qui l'éclaire et qui ne souffre pas l'éclipse, de là j'ai gardé mémoire de ma tante jadis foyer de vie.

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