J'ai revu mon ami en rêve, celui qui ne m'appelle plus, je suis même passé à côté de lui, je crois que je lui ai dit quelque chose sans importance qui tenait au lieu où j'étais et à ce que j'y faisais; il a dû m'y répondre avec la même indifférence, nous étions devenus deux parfaits inconnus.
Et c'est ainsi que cela devrait se passer dans la vie, sans rancune, on a été amis, eh bien, c'est fini, nous voilà à nouveau au point de commencement ou pas, d'une relation; et nous devions avoir l'un et l'autre bien changés pour qu'elle ne se renouvelle pas notre amitié.
Je ne l'ai reconnu qu'après m'être réveillé, parce que de nouveau dans cette vie où on ne pardonne rien et on ne pardonne rien même à l'oubli, parce qu'on n'oublie rien: oublier c'est pardonner et vis versa; c'est vrai que je n'y pensais même plus mais ce rêve me l'a rappelé.
J'en ai eu d'autres d'amis cependant et à qui je ne rêve même plus. Ils sont bien retournés ceux-là de part le monde où je les ai trouvés et ne les trouverais plus. Ils ne me manquent pas plus que ceux que je n'ai jamais connus. Pas plus je n'ai envie de les voir qui serait les revoir.
Je rêve néanmoins mais cette fois-ci éveillé de cette amitié sur laquelle j'ai lu quelques mots d'Aristote et d'autres de Montaigne car je ne saurais dire si elle est de ce monde où de celui de l'écrit qui en diffère, sans doute par l'imagination, sans doute par l'idéalisation.
Il n'est pas bon d'avoir trop lu, à moins que ce ne soit d'avoir trop vécu, et nos meilleurs amis seraient des amis d'enfance, c'est-à-dire là où l'on se prête le plus à rêver, mais à eux aussi on les perd avec les années.
CITATION
Montaigne Essai I "Parce que c'était lui, parce que c'était moi"
Aristote dans l'Ethique à Nicomaque écrira: "que les hommes vertueux seront amis par ce qu'ils sont en eux-mêmes". Il distinguera ainsi l'amitié fondée sur la vertu de l'amitié fondée sur l'utilité et de l'amitié fondée sur le plaisir.
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