Mon ami vers qui je reviens sait-il qu'entre temps j'ai lu Henri Bergson et Baruch Spinoza. On dit que les voyages forment la jeunesse mais la lecture des philosophes est bon au vieil âge s'il a quelque espoir encore de se trouver modifier comme on l'est toujours et c'est de l'intérieur.
Parce qu'il est à parier que mon ami n'y verra que du feux, que le même homme de toujours; mais que je changea d'un coup de brosse la disposition de mes cheveux et il voyait du changement là où il n'y en avait pas quand là où il y en aurait il n'en verrait point.
Aussi comme lui jadis j'avais revu mon maître de thèse qui après une longue absence revenait de La Casa de Velasquez et à défaut de cheveux, sans doute parce qu'il était chauve, c'est dans ses yeux que je voulais voir ce qu'il avait vu et je n'y vis que du feux.
Rien ne parle de nous au dehors et en dehors de nous. Henri Bergson aurait emporté avec lui sa conception du temps s'il ne nous en avait pas parlé, et Baruch Spinoza son conatus, cette idée qu'il avait que tout être s'efforce de persévérer dans son être.
C'est aussi dans les yeux que les amoureux se regardent et l'on dit que c'est la fenêtre de l'âme. Je crois néanmoins que l'on se regarde de moins en moins dans les yeux, mais que cherche t-on dans les écrans lumineux ?
La connaissance n'est-elle pas dans le regard que l'on porte sur les choses, c'est Husserl fondateur de la phénoménologie qui dit que "toute conscience est conscience de quelque chose", et pourtant le regard qui pénètre les choses reste impénétrable.
A travers lui pas de conscience qui se révèle à nous et pas davantage donc les modifications que cette conscience aurait pu subir, rien ne s'affiche vraiment que des émotions passagères, rien qui ne reflète un état psychologique nouveau, un changement de l'être dans sa conscience.
Cependant notre volonté de connaitre l'autre va rarement si loin, c'est qu'on l'aime rarement autant, que notre amour de l'être reste superficiel, ne touche pas à l'essence de l'être. En termes clairs on ne cherche pas vraiment à savoir qui il est, on s'en fout royalement.
L'existentialisme n'aurait plus lieu d'être parce que ce n'est pas l'être existentiel qui nous intéresserait mais l'être fonctionnel: non comment il est mais comment il fonctionne et s'il fonctionne bien, parfait, sinon tant pis pour lui, comme une mécanique à mettre au rebut.
Les recherches en matière de santé s'orientent ainsi sur la découverte ou plutôt la réalisation ou fabrication de pièces de rechanges permettant à cette fonctionnalité de perdurer dans le temps car il ne s'agit plus tant de persévérer dans son être que dans sa fonction ou fonctionnalité.
On ne pose même plus la question: esprit es-tu là ? C'est la pure matérialité de l'existence qui intéresse, le corps comme celui de "l'animal machine" de René Descartes: simple assemblage de pièces et de rouages dénué de conscience ou de pensée.
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