Êtes-vous bien sûr que l'enfant s'amuse quand il joue ? Ce serait vrai s'il ne voulait pas déjà gagner. Ce serait vrai s'il n'y avait pas déjà un enjeu. Et ce n'est pas encore de l'argent. Et c'est déjà d'être le meilleur, meilleur que l'autre contre qui il joue.
Il est plus heureux après l'avoir battu, moins, s'il perd, on en a vu pleurer aux échecs, peut-être qu'il y avait les parents, peut-être que si les parents n'avaient pas été là, qu'ils auraient jouer entre eux les enfants, il n'y aurait eu que des cris et des rires mais pas de pleurs.
Il est vrai que les animaux quand ils jouent entre eux c'est déjà à des jeux qui les aguerrissent, les arme pour l'avenir quand ils auront à trouver leur nourriture eux-mêmes. Mais le temps est encore à l'amusement et à l'allaitement.
Et qu'est-ce qu'il a gagné celui qui a gagné ? Aux échecs on dit que l'on apprend plus d'une partie perdue. Elle nous révèle nos erreurs et insuffisances de jugement, nos faiblesses de calcul, qu'on n'est pas allé assez loin, qui, si l'on n'avait pas perdu, seraient passés inaperçus.
C'est vrai. Pourtant ce qui nous importe, comme ce n'est pas tant de s'amuser que de gagner, ce n'est pas tant non plus d'apprendre que de gagner. On voit que tout est assujetti à la gagne. On ne s'amuse plus. On n'apprend plus. On joue aux échecs comme on joue au loto pour gagner.
Il y a une méthode pour battre papa aux échecs, il pourrait (et c'est la même chose si papa nous a appris à jouer aux échecs) y en avoir une pour battre son professeur: ce n'est pas apprendre de papa ou du professeur qui importe mais de les battre.
Aussi celui qui ne gagnerait rien à faire ce qu'il fait cesserait bientôt de faire ce qu'il fait si ce qui lui importe c'est gagner et qu'il perd. En tout, on apprendrait à gagner, la visée serait indépendante et indifférente à ce que l'on fait, simple prétexte à gagner.
La possibilité de la gagne serait co-existant à l'impossibilité de l'amusement. On ne peut pas s'amuser s'il faut absolument gagner. Aussi il y a qui s'étonne d'avoir perdu le goût de jouer et c'est parce qu'il ne joue plus vraiment, parce qu'il ne s'amuse plus.
Il lui faut retrouver cette liberté qu'il n'y a pas dans le travail mais dans le jeu tant qu'il n'est pas soumis aux mêmes impératifs que le travail qui est efficacité et rentabilité, où rien n'est gratuit ni librement consenti ni investi sans retour sur investissement.
D'un enfant qui n'aurait plus envie de jouer on serait en droit de s'alarmer: aurait-il perdu goût à la vie ? Et un enfant qui ne joue pas ne le trouverait t-on pas moins vivant ? C'est que la vie s'apparenterait plus au jeu qu'au travail dans sa liberté et gratuité d'action.
CITATION
La filosofía del hombre que trabaja y que juega, de Eugenio d'Ors: " La ciencia está orientada hacia la acción, sí. Pero la acción no siempre es utilitaria: unas veces es trabajo, juego otras; es decir elemento estético, Libertad. En todo conocimiento, en toda ciencia, hay una parte de Trabajo, otra de Juego."
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