samedi 24 mai 2025

L'individualiste (2)


Un individualiste forcené sans doute et encore confirmé dans son individualisme par ce qu'il venait d'apprendre et pas de n'importe qui sinon de Henri Bergson et de Benjamin Constant.

Mais c'est Henri Bergson qui l'avait mis sur la piste tout en étant occupé par d'autres considérations que l'individualisme puisque c'est dans Les deux sources de la morale et de la religion qu'il distingue la pensée primitive de la pensée civilisée. 

La première jamais disparue, la seconde jamais définitivement acquise. Mais comment ne pas être sensible à cette évolution de la pensée. La nature était chargé d'intentions que lui prêtaient notre pensée, avant de lui prêter (les lois naturelles) des causes et des effets, avec lesquels on voudrait, au mieux tout expliquer, au moins se rassurer.

Le point commun avec Benjamin Constant est bien de souligner un changement radical de l'être en tant que nous sommes des êtres pensants. Aussi pour Benjamin Constant nous ne penserions plus la liberté de la même façon et c'est ce qu'il dit dans: De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes.

L'individualisme procèderait donc de cette considération de la liberté: "Le but des Anciens était le partage du pouvoir social entre tous les citoyens d'une même patrie. C'était là ce qu'ils nommaient liberté. Le but des Modernes est la sécurité dans les jouissances privées; et ils nomment liberté les garanties accordées par les institutions à ces jouissances."

La question qui se poserait alors à nous serait comment continuer à faire société avec cette nouvelle conception de la liberté, car si elle est toujours attachée à notre bonheur elle ne parle plus que d'un bonheur individuel.

Ce qu'il nous est difficile de comprendre c'est que les Anciens "lorsqu'ils sacrifiaient cette indépendance (notre liberté)aux droits politiques, sacrifiaient moins pour obtenir plus; tandis qu'en faisant le même sacrifice nous donnerions plus pour obtenir moins."

Plus, c'est tout ce que nous avons et qu'ils n'avaient pas comme possibilités de jouissances individuelles que nous apporte autant nos institutions politiques que notre société marchande. Moins effective et plus ressentie comme une gêne qu'un plaisir est maintenant notre participation à la société.

C'est qu'au fur et à mesure de l'accroissement de la population la participation effective de chacun s'en voit diminuée, que nous ne disposons pas de tout notre temps et qu'il y a des professionnels de la politique ou des affaires publiques pas forcément très désireux d'en partager la charge et encore moins les honneurs, tandis qu'entre eux la bagarre fait rage: c'est la naissance de la politique politicienne.

Si nous ne faisons pas tant société c'est aussi parce que nous sentons moins que nous faisons société, et si nous sentons moins que nous faisons société c'est aussi parce que nous ne faisons pas tant société.

C'est une lapalissade mais aussi un effet boule de neige. Quand la boutade serait de dire que nos gouvernants nous cherchent une guerre et que ce serait pour faire société, à en croire la note au manuscrit de Benjamin Constant qui ajoute: "[…] Sous le despotisme, comme sous la liberté, la guerre presse les hommes autour du gouvernement. Le commerce les en isole."


CITATION

Benjamin Constant: "L'indépendance individuelle est le premier des besoins modernes. En conséquence, il ne faut jamais en demander le sacrifice pour établir la liberté politique".

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire