La dignité humaine (ou un mendiant digne)

Il lui arrivait de penser à son père en directeur d'école qui présentait son fils à une dame qui devait avoir son importance, la tenait-elle de son mari ou d'elle même, sans doute en tout cas de l'institution qu'était l'éducation nationale, car il était manifeste qu'une fois de plus on utilisait comme faire valoir son aspect extérieur qui autrement lui valait de passer pour orgueilleux et mériter le châtiment ou l'humiliation qui aurait tôt fait de le ramener sur terre.

"Tu as honte de nous" que lui disait son père quand il défaisait son ceinturon pour lui administrer la sévère et méritée correction. Et il ne pourrait nier qu'il avait eu honte de son père ce jour-là comme tant d'autres où il avait servit d'appeau et de leurre comme représentant digne et fils de bonne famille qui était toute l'impression qu'il devait laisser. Quelques coups d'œil furieux jetés à la dérobade suffisaient si nécessaire à l'obliger a entrer dans le rôle qui lui était assigné.

Parfois il se mettait à croire à ce qu'il était devenu aux yeux de son père l'instant d'une présentation, mais l'instant d'après il n'était déjà plus rien et il lui était demandé de disparaitre au plus vite, de quitter la scène, et il était comme un acteur à qui on aurait donner un beau rôle et qui ne voudrait plus le quitter; c'est en ces années là que son âme dû s'emplir d'une grande tristesse et désarroi aussi que d'une insurmontable perte de foi en tout ce qui pouvait représenter l'autorité et la société, parce qu'il en avait été le jouet.

Il ne savait alors plus quoi penser de lui-même comme de son père tant il lui semblait qu'à jouer ce jeu ils s'étaient perdus aussi que leurs identités compromises. Etait-il vraiment un orgueilleux blessé dans son orgueil qui n'ayant plus voulu une fois qu'il n'y avait plus été contraint rendre hommage à de grandes dames ou à de grands messieurs et s'était ainsi mis la société à dos, mais qui à chaque fois qu'il dirait que son père avait au bout d'une longue et vertueuse carrière de lèche finit directeur d'école du lycée français de Madrid chercherait à son tour en le présentant ainsi à se présenter lui-même sous le meilleur jour.

La dignité humaine qu'il se disait est donnée à tous et à tous il est donné de ne pas la perdre et si c'est ça de l'orgueil alors oui c'était un être orgueilleux qui jamais n'avait eu d'idoles mais qui toujours avait aimer les grandes dames et les grands messieurs parce qu'ils n'avaient pas fait à la société le sacrifice de leur dignité, et qu'on ne lui dise pas que c'était parce qu'ils ne s'étaient pas trouvés en situation de le faire. Il y a un peintre espagnol, mais il ne saurait plus dire lequel, qui lui avait plu parce qu'il peignait des mendiants drapés dans toute leur dignité, une dignité que l'on n'attendrait pas d'un mendiant et pourtant un jour devant une boulangerie il n'avait pas eu honte de donner une pièce à un mendiant qui était un homme qui n'avait rien perdu de toute sa dignité humaine, qui sait s'il aurait aimé que ce fut son père.