Non, l'homme n'est pas apparu libre sur la terre. Encore eut-il fallu qu'il en eût conscience et pour en avoir conscience qu'il est une conscience, or il n'y a pas d'autre conscience que la conscience d'être libre, d'autre exercice de la liberté que celle de sa conscience et d'autre exercice de sa conscience que celle de sa liberté. Conscience et responsabilité c'est aussi conscience et liberté, il faut être libre pour exercer sa responsabilité: pas de responsabilité sans liberté.
Quand on parle de l'homme c'est de l'homme d'aujourd'hui qu'on parle et qu'on accuse d'individualisme parce qu'il se fait fort de sa conscience et de sa liberté. Et pour cause, cela ne s'est pas fait du jour au lendemain. L'homme ne s'appartenait pas. Pas plus que n'importe quel animal ne s'appartient. Il appartenait à la nature puis aux dieux, premier détachement de l'état de nature et insensible passage à l'état de société qui commença ainsi par une société religieuse.
Le voilà maintenant qui appartient à la tribu qui ne le lâchera pas de sitôt et qui ne lui concèdera jamais une existence individuelle, non plus que familiale qui serait comme un second détachement, et peut-être pas le premier regroupement humain sinon le second après la tribu. Mais de ce second détachement on peut envisager que partiront toutes les alliances, système repris par les royautés, mais c'est aller très vite en besogne et s'épargner bien du chemin. Pas plus que la tribu et pas plus que la famille la société n'est décidée à céder tout droit d'existence à l'individu, mais sa de plus en plus grande prise de conscience, qui est conscience de sa liberté aussi que son exercice qui est exercice de sa liberté, l'amènera à faire un choix de société qui est la société démocratique.
On peut lire dans la Désobéissance civile de Henry David Thoreau: "De grand cœur j'accepte la devise: le gouvernement le meilleur est celui qui gouverne le moins". Abonde dans ce sens la définition que donne de la démocratie Maria Zambrano dans Persona y democracia: "Si se hubiera de definir la democracia podria hacerse diciendo que es la sociedad en la cual no solo es permitido sino exigido el ser persona" (Si on devait définir la démocratie on pourrait le faire en disant que c'est la société dans laquelle non seulement il est permis sinon exigé d'être une personne). Plus loin elle dira encore qu'une société est d'autant plus vivante et créative qu'en elle la personne individuelle a plus de liberté et (reçoit plus) de stimulations a être soi même dans toute sa plénitude"
On a vu par le passé que les tentations des sociétés étaient les tentations totalitaires et peuvent par là être considérées comme une régression parce qu'allant dans le sens de la société et de son emprise sur l'homme elles ne vont pas dans ce toujours plus de conscience de l'être humain qui est conscience de sa liberté et volonté d'en jouir. Il lui faut seulement être à la hauteur, ne pas se désavouer ou être désavoué en tant que personne (M.Z "La persona es el individuo dotado de conciencia") par la société et ses défenseurs. C'est pourquoi la philosophe espagnole dit qu'en démocratie être une personne est non seulement permis mais exigé. Rien ne sert donc de continuer a investir en la société (le meilleur des régimes ne pourrait se satisfaire du pire des hommes) et en ses lois qui par leur prolifération montre plutôt qu'elle lui est de plus en plus retirée (notre confiance) aussi que sa liberté qui est, comme on l'a déjà dit, liberté de conscience ( de l'avoir et de l'exercer), mais investir en l'homme (qui est d'abord reprendre confiance en lui, c'est-à-dire en nous, et le soin porté à notre relation mutuelle).
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