mardi 4 mars 2025

Eurêka


Ces idées ne sont pas bonnes, pas parce qu'elles sont fausses, mais parce qu'elles sont sans cœur. Ces idées qui sont de l'homme ne sont pas bonnes parce qu'elles ne sont pas bonnes pour l'homme. L'homme devrait donc être amené à reconsidérer ses idées non seulement en fonction de leur soi-disant vérité, qui n'est jamais que vérité actuelle que démentira l'avancée des connaissances, mais surtout en fonction de leur "bonté" pour l'homme, à commencer par sa prise en compte, qui serait donc une prise en compte non seulement par la raison (objective) mais par le cœur (subjective).

Il y a beaucoup de ces idées d'aujourd'hui qui font mal au cœur. Certes, on leur demande d'être vraies. On pourrait cependant s'interroger sur le caractère de vérité, s'il n'est pas toujours dogmatique, s'il n'a pas toujours occasionné plus de mal que de bien, si la vérité ne devrait pas être d'abord synonyme de bien et de beau, et l'on voit alors que l'on se rapproche du cœur de l'homme. N'est-il pas passé dans la sagesse populaire que la vérité n'est pas toujours bonne à dire.

Ces idées qui ne sont pas bonnes à l'homme ne peuvent donc devenir la nourriture de l'homme. Or si c'est bien lui qui choisit sa nourriture pourquoi ne la choisirait-il pas en fonction du bien qu'il en retire, de sa croissance, de sa bonne croissance qui est celle du corps autant que de l'esprit. Ainsi la croissance économique d'un pays est une bonne idée si elle participe à la bonne croissance de son corps et de son esprit. Mais comment pourrait-on parler de puissance économique (ou militaire) de nations dont les hommes seraient débiles de corps et d'esprit.

Je crois qu'il manquerait beaucoup à cet aparté sur les idées (et même si cela amène d'autres considérations) si je ne rappelais ce qu'en pensait à la fois Ortega y Gasset et Maria Zambrano en tant que disciple qui aurait dépassé le maître, allant plus loin que lui sans son secours ni son approbation. Ainsi rapporte Maria Zambrano cette distinction qu'aurait faite son maître entre les croyances et les idées: "Mas las ideas nacen de la duda, es decir, de un vacío o hueco de creencia", que les idées "hijas de la duda" naîtraient d'un vide ou manque de croyance. Selon la philosophe espagnole "La vida necesita del pensamiento, de convicciones claras de … et ce sont les propres mots du maître: "saber a qué atenerse". "La vie a besoin de la pensée, de convictions claires, de savoir à quoi s'en tenir".

Oui, d'après Maria Zambrano, l'homme ne saurait plus à quoi s'en tenir sinon à des idées toutes "filles du doute" qui ne feraient que l'ébranler dans ses convictions, autant dire dans ses croyances, les troubler, et la faute en reviendrait à une culture non créative et non participative, et Maria Zambrano de voir une des causes du ressentiment et de la subversion dans: "el abandono en que el hombre medio ha quedado por la cultura que ha sabido aplicar sus conocimientos para la técnica material, pero que no le ha dado "ideas vigentes", convicciones; que no ha sabido hacerle participar de su actividad creadora, hacerle creador también.", "l'abandon de l'homme par la culture qui a su appliquer ses connaissances aux techniques matérielles mais qui ne lui a pas donner "d'idées en vigueur" (applicables à la vie de tous les jours), qui n'a pas su le faire participer à son activité créatrice, voire faire de lui un créateur."


NB

On pourrait donc ajouter à une crise de la société non seulement une crise de l'homme mais aussi une crise des idées; et toujours en cela qu'elles se seraient éloignées de l'homme autant que la société s'en est éloignée.

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