Si je ne t'ai pas encore donné de nouvelles d'ici à Barcarès c'est que j'y suis tout aussi occupé à vivre que je l'étais là-bas à Paris. Il faut un temps d'adaptation qui est, il est vrai, plus grand que celui que l'on prend à se transporter en TGV d'un endroit à un autre, mais l'on ne peut s'y sentir bien qu'à partir du moment où l'on y a repris ses habitudes. Aussi je marche toujours un livre à la main, même si ce n'est plus en long et en large dans ma cuisine que je le fais, mais en tournant en rond autour des étangs qui ne sont pas loin et à l'air libre, et serait malgré tout comme une prison à ciel ouvert, car c'est toujours dans mon livre que je suis et dont je ne lève que très peu la tête, pas plus que celui qui nage pour prendre une respiration, et comme il souffle dans l'eau je ne souffle que dans mon livre, c'est là que j'expire plus qu'à Paris ou Barcarès.
J'ai bien pris le vélo qu'on m'a prêté et vu du pays, mais c'est tout à mon effort que je suis, et pour la vie de mon corps et le repos de mon esprit que je l'ai pris, et je m'y suis senti comme quand je pédale en salle de sport à Paris sur un vélo à pignon fixe. Je me souviens de cet ami qui me disait que peu importe l'endroit où l'on est, que tout autant on pourrait être dans une salle de cinéma devant l'écran à voir un paysage défiler devant nos yeux que dans un train, et qu'aussi à l'heure dernière, qui sait, quand on aura à voir passer tout le décors d'une vie, c'est-à-dire tout ce qui n'en a fait que le décors, tant il est vrai que c'est toujours à l'intérieur de soi que l'on vit, et malgré le temps qu'il fait dehors que l'on est, et que rien ne nous en fera sortir sinon la mort.
Peut-être maintenant mon ami aurais tu préféré que je t'en parle en touriste, car ici à Barcarès on peut venir en touriste et être aussi étranger à soi-même qu'on l'est à l'endroit, mais si l'on veut se sentir partout comme chez soi il faut se transporter à Barcarès comme je m'y suis transporter ou rapporter de Paris, et c'est tout entier. Non, tu ne m'y trouveras pas changé, comme dit Julio Iglesias avec son accent: "yu suis touyour le même". Comment veux tu alors que j'y vois les choses différemment qu'ailleurs, et c'est mon esprit que tu reconnaitra encore et te fera dire: "c'est bien lui". Oui, mon ami, tu ne te trompes pas, c'est bien moi qui t'envoie des nouvelles de Barcarès dont je ne t'ai même pas dit qu'il y fait grand soleil et grand vent, c'est que ce n'est pas ce qui souffle en moi, c'est que ce n'est pas ce qui rayonne en moi. Mais ce serait mentir que de te dire que je ne m'y sens pas bien, que je ne m'y suis pas retrouvé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire