La tête de l'homme hérissée de pensées n'est jamais très belle à voir et d'ailleurs si on la voyait sans doute ferait-elle penser à une pelote d'épingles ou à une tête de porc épic, qui s'y frotte si pique, mais ces tableaux de la pensée peint par nos meilleurs penseurs, ces chefs d'œuvre de la pensée qu'ils nous ont laissés, ne peuvent que plaire à l'esprit qu'ils séduisent par leurs couleurs vives aussi que par leur harmonie, tout y a été si bien organisé et "polissé" que l'on se met à aimer ce qui en nous apparait de façon si lacunaire, si partiel et partial, qu'on se verrait et nous verrait -- quand nous pensons, car nous ne pensons pas toujours -- souvent les nôtres de poils aussi que de qui tendrait l'oreille à nos propos, hérissés, c'est que nos pensées souvent sont livrées à l'état brute, qu'elles n'ont pas été raffinées, travaillées, construites, élaborées; qu'elles sont comme on dit à l'emporte pièce et posées sans goût ou avec un goût douteux, tandis que nos penseurs sont des génies ou de bons artisans de la pensée.
C'est pourquoi quelqu'un se met-il à penser en notre présence que très vite il nous barbe ou nous pique et nous détourne de la pensée écrite parce ne l'ayant pas assez appréciée quand elle nous fut communiquée à haute (et si peu distincte) voix, par ces barbouilleurs de la pensée, nous ne pensons pas un instant qu'elle put revêtir un aspect plus plaisant; c'est que nous l'avons vu toute nue et qu'il faut l'habiller, et souvent que ses piques nous soient ainsi dissimulées, à moins qu'elles ne présentent un caractère esthétique qu'alors nous puissions apprécier plutôt que d'en être contrarié. Mais nous aimons quand même à échanger bien que nous ayons a regretter la pauvreté de nos propos qui est de ce que nous avons dit par rapport à ce que nous avons pensé, aussi en est-il de celui qui avec nous à parlé et c'est pourquoi il ne faudrait pas trop lui en vouloir, comme nous il est dans le registre de la communication orale, spontanée, celle, il faut le dire, où l'on a en fait pas trop le temps de penser.
C'est pourtant cette pensée en prise avec le temps, l'immédiateté, que l'on retiendra comme étant l'expression de la pensée quand elle n'en est qu'une approche lacunaire, comme la ligne discontinue de la pensée, et trop peu éprise d'elle même, et qui ne s'aime pas, c'est l'homme qui la profère et l'amour qu'il se professe plus que l'amour qu'il professe à la pensée, qui s'y montre, et il faut alors aimer cet homme pour aimer sa pensée. Rien d'étonnant qu'une telle pensée nous détourne de la véritable pensée qui n'est que pensée et où l'homme tend à s'effacer. Et nous nous sentons alors par elle caressés, et nous l'aimons pour ce qu'il pense plus que pour ce qu'il est; il nous importe d'ailleurs peu de savoir qui il est parce que c'est là qu'il se rapproche le plus de cette définition de l'homme qui n'est autre que la définition d'un penseur: "je pense, donc je suis". Mais nous ne sommes pas cet homme là, certes nous tendons à l'être, nous tendons à une esthétique de la pensée par ce qu'en tout c'est la beauté qui nous séduit, autant la beauté des corps que la beauté de l'esprit.
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