Quelque chose me dérangeait en Michel Onfray, quelque chose qui n'était pas (je le sentais bien) Michel Onfray lui-même. Ce qui ne laissait pas de m'étonner car souvent ce sont des querelles de personne qui se cachent derrière tout ce qu'on peut contester et serait mieux reçu d'un autre. Ce n'était pas non plus tant dans ce qu'il pouvait dire que dans comment il le disait: le ton, l'humeur, l'engagement.
Oui, ce devait être cela: ça me renvoyait à ce que j'avais contre l'engagement et qui n'était pas très défini mais que lui, Michel Onfray, m'aiderait à définir. Le terme d'écrivain engagé m'avait toujours dérangé et devait davantage me déranger quand il s'agissait d'un philosophe. Sans doute parce que pour moi le philosophe faisait figure de sage, et en tant que tel devrait se tenir au-dessus des débats ou partis pris.
Michel Onfray donnait dans la polémique, avait de l'humeur, et cela n'était pas non plus sans donner une certaine couleur à ses propos (qui n'était peut-être que celle de son humeur du moment), et cette couleur était vive et donnait dans l'œil de qui pouvait la recevoir avec plaisir ou déplaisir selon qu'il était de cette couleur, aimait cette couleur, ou pas. On s'en tiendrait donc à la couleur de ses propos plus qu'à leur teneur.
Le désavantage de prendre parti est celui d'être pris à parti, et je ne crois pas celui fait pour être philosophe fait pour entrer dans la bataille rangée des hommes à l'esprit partisan, mais bien plutôt s'être jusque-là, consciemment ou pas, tenu en dehors pour ne pas dire au-dessus des partis pris. C'est à l'Assemblée Nationale que fut repris la parole du philosophe et ce n'était pas celle de Michel Onfray parce que cela ne pouvait pas être celle de Michel Onfray.
Il aurait fallu pour cela que Michel Onfray lui-même ne lui donna pas d'humeur, de couleur, car elle fut reprise par qui à cette parole de philosophe donna de l'humeur, de la couleur, car il était à la bonne place pour le faire, et que cela ne fut pas fait avant lui était aussi ce qui lui permettait de le faire.
Il y a Marx et le marxisme. Il y a Freud et le freudisme. Mais si Onfray fait déjà de "l'onfrisme", il n'offre alors à personne la possibilité de le faire après lui. Ayant déjà réduit sa pensée par l'humeur à l'humeur de sa pensée comment à celui qui pourrait la prononcer aussi avec humeur on pourrait encore en sentir derrière une certaine profondeur.
Le philosophe qui retournerait à la caverne de Platon où les hommes demeurent enchaînés aux ombres sans même savoir qu'elles ne sont que des ombres (l'ombre d'une idée) court le risque de mourir des mains de ceux-là même vers lesquels il serait descendu pour les sauver; et, en notre temps, qui n'est pas celui de la caverne de Platon, il encourrait aussi comme eux le risque de confondre les feux de la rampe avec les lumières des idées, réalités immatérielles et immuables.
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