Tu vois quand on sait connu lui avait dit son ami j'avais ton âge de maintenant, et c'était plus de dix ans après et correspondait exactement à la différence d'âge qu'il y avait entre eux; c'est que son ami et beaucoup de ses amis en étaient à une autre étape de leur vie quoiqu'ils vécurent aussi en même temps que lui. Tout çà le frappait comme une bombe à retardement. Il se rappelait cet homme à Burgos qu'il avait regardé un long moment et lui avait fait cet effet étrange comme les paroles de son ami. C'était un homme qui devait avoir l'âge qu'il avait lui maintenant, mais déjà il avait trouvé qu'il y avait une certaine ressemblance entre eux sauf que la différence d'âge l'empêchait de s'y comparer mais c'était lui, c'était bien lui, il s'était vu déjà et déjà il savait que ce serait lui, il le savait sans le savoir, il le savait comme on sait tant de choses et ne veut pas se les avouer à soi-même, tant de choses qui défient l'entendement. Son ami avait ajouté que comme lui aujourd'hui il participait à des tournois et qu'il avait raison lui de vouloir faire des tournois d'échecs; parce que lui son ami il s'était dit qu'une fois à la retraite, et il venait juste d'être à la retraite quand ils s'étaient connus, il se ferait plaisir en participant à des tournois d'échecs, et qu'il avait bien raison qu'il répétait encore lui aussi de se faire plaisir en participant à des tournois d'échecs, même s'il avait ce même stress stupide que lui aussi son ami trouvait stupide mais qui l'avait finalement obligé d'arrêter. L'homme de Burgos, il se le rappelait encore tout en bas dans le patio, et qu'il lui paraissait vieux avec ses gestes lents et l'allure qu'il avait, tranquille certes, d'une tranquillité apaisante, qu'il lui semblait goûter en goûtant l'air du soir. On aurait dit qu'il attendait quelque chose ou quelqu'un mais lui savait, et comment le savait-il, qu'il n'attendait plus rien. Il y avait cette danseuse. Elle lui avait dit qu'elle faisait de la danse. Et c'est vrai qu'elle avait un corps de danseuse, de danseuse classique, un peu raide il est vrai, comme il les trouvait aux danseuses classiques avec une grâce de statue qu'on voyait bouger mais dont l'attitude était figée. Lui était alors pressé de la rejoindre. Même s'il le savait, il ne sortirait pas de sa chambre et resterait là à regarder cet homme dont il ignorait encore que c'était lui parce qu'il n'avait pas encore son âge. Ils étaient tous venus pour un séminaire de littérature espagnol et la danseuse lui avait pour la première fois adressé la parole parce qu'il avait dû échanger quelques mots en espagnol avec cet écrivain qui portait haut les couleurs du genre fantastique, et leur avait expliqué comment le fantastique pouvait s'introduire dans la vie de tous les jours et de n'importe qui et de la façon la plus insidieuse qui soit, et ça l'avait rendu perplexe à lui parce qu'il y avait beaucoup de choses qu'il ne s'expliquait pas et que c'était peut-être pour ça qu'il ne se les expliquait pas, parce qu'il n'y avait pas d'explications à ces choses qui devaient alors ressortir du genre fantastique comme cet homme qu'il voyait du haut de l'immeuble où il y avait sa chambre à lui, et celle de la danseuse qui ne devait pas être loin mais où à quel étage, s'il avait su il aurait pu la rejoindre. Mais non, ils les avait entendu discuter, elle et le compagnon de l'autre, le prof, qui s'était proposé de les aider pour le capes d'espagnol, qu'ils sortiraient dans un bar à tapas, peut-être était-il encore temps pour lui de les rejoindre. Mais non, l'homme de Burgos était un homme sans femme, car aucune femme depuis le temps n'était venue le rejoindre dans le patio en bas, à moins qu'elle ne fut malade ce qui expliquerait la tristesse de l'homme, car tout en lui sans qu'il sut dire exactement quoi semblait exprimer la tristesse en cet homme. A moins que cette tristesse calme soit plutôt attachée à cette étape de la vie comme la gaieté un peu folle et tout aussi inexpliquée et bruyante l'était à la jeunesse, mais cela il ne pouvait pas encore le deviner. La danseuse avait voulu lui parler parce qu'elle avait aimé ce qu'il avait dit en espagnol, toute cette part d'imaginaire qu'elle avait pu développer à partir de ses pauvres mots à lui il aurait fallu qu'il les laisse occuper encore plus de place en elle, motivé par le désir qui était né avec cette flamme, plutôt que de l'éteindre par des paroles maladroites et inappropriées, se taire et se réchauffer un peu à son contact. Tandis qu'il commençait a avoir un peu froid à sa fenêtre et que l'homme de Burgos s'était retiré à l'intérieur de sa maisonnée, s'était retiré comme se retirent les ombres du passé mais qui peuvent marquer les étapes d'une vie future qu'on ignore encore être la nôtre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire