samedi 29 août 2020

La part d'existence


Sans avoir failli perdre la vie on n’a bien pu connaître des moments où notre part d’existence s’est trouvée réduite comme une peau de chagrin. On n’a pu alors être saisi d’une très forte angoisse existentielle qui n’est pas, encore une fois, le fait  que l’on n’est craint pour sa vie sinon motivée par l’obscure prise de conscience de la part insignifiante qu’elle représente. L’image qui me vient à l’esprit est celle d’un gâteau dont certains en constitueraient une petite voire toute petite part, tandis que d’autres en seraient une part plus avantageuse, c’est-à-dire dont ils tireraient un sentiment d’existence plus grand et donc proportionnel à cette part de gâteau. Qui s’en nourrit prend des forces, gagne une certaine confiance en lui, contracte un certaine joie de vivre. Quand la part qui nous est dévolue est plus maigre tout cela peut venir à manquer. Il faut savoir que la part d’existence qui nous est allouée n’a rien à voir avec le fait d’être seul ou entouré de gens. Qui prend les transports en commun se voit au milieu d’une multitude de voyageurs comme lui. La question qui se pose alors est que sont-ils pour lui et qu’est-il pour eux ? Quelle est la part d’existence de chacun ? Il m’est arrivé de regarder leurs reflets dans la vitre et de me dire qu’ils n’étaient que cela pour moi, comme de m’y voir aussi et de me dire que je n’étais que cela pour eux : l’image démultipliée de l’humain mon semblable dans le miroir où l’on est seul à se voir, à connaître son existence, celle de l’autre on l’ignore, il n’a pas part dans notre existence, nous n’avons pas part dans son existence. Entendez moi bien, ce n’est pas le sentiment de la fourmi dans la fourmilière que l’on ressent mais de parts d’existences réduites à rien. Voilà ce qui peut naître d’un mode de vie. Inversement. Depuis que votre père est mort vous ne cessez de penser à lui. Sa part d’existence a augmentée. Un ami vous dit qu’il a oublié ce que vous lui aviez dit. Comment il s’en rappellerait. Tant de choses l’occupent qui n’est pas vous. Il a son existence. Vous avez la vôtre. Certes. Mais, comme dit précédemment, votre part d’existence n’est pas votre existence sinon celle qui vous est allouée. De même, vous n’êtes pas tant redevable à vos parents de votre existence sinon de la part d’existence qu’ils vous ont donnée ou accordée. Vous pouvez ainsi ne rien leur devoir comme tout leur devoir alors même qu’ils ne seraient pas vos géniteurs. Quelqu’un vous appelle. Il a pensé à vous. Il vous redonne des forces, confiance en vous, une certaine joie de vivre que vous aviez perdu. Il n’a rien dit de spécial. Il n’aurait pu faire que souffler. Il vous a comme insufflé une part d’existence. Voilà ce qu’il a fait en réalité. Peu importe la teneur des propos échangés. Néanmoins tout le monde n’est pas détenteur de votre part d’existence. Un inconnu n’aurait pu en faire autant. De qui est détenteur de votre part d’existence vous êtes détenteur de sa part d’existence. C’est en quoi votre part d’existence ne vous est pas étrangère. Ainsi ceux qui sont en demande de part d’existence accordent la leur trop facilement, sans trop d’exigence, se rendant vulnérables. Ce n’est pas, encore une fois (la dernière), le fait qu’ils donnent à n’importe qui sur eux le droit de vie ou de mort mais de réduire leur part d’existence déjà si mince à néant.

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