lundi 27 juillet 2020

Un joyau de notre civilisation


Une bâtisse blanche sans prétention, de deux étages tout au plus avec son  mur d’enceinte et sa porte d’entrée souvent laissée ouverte ou semi ouverte. On aurait pu y écrire en lettres d’or FOYER POUR HANDICAPES MENTAUX. Il y en avait deux quand je passais par là qui avaient dû trouver la porte ouverte et étaient maintenant dehors à se parler et marcher ensemble et librement. Je ne comprenais pas ce qu’elles se disaient ni pourquoi l’une arrangeait le sac de l’autre de façon amicale, presque intime, de personnes qui se connaissaient bien et s’appréciaient, éprouvaient sans doute une certaine tendresse l’une envers l’autre. J’aimais voir qu’elles étaient bien habillées quoiqu’on n’eût sans hésiter pensé que c’était des demeurés on aurait su dire pourquoi, la même chose que quand quelqu’un ne vous revient pas, ce sentiment de rejet en nous, qui tient plus à ce que nous sommes qu’à ce qu’est l’autre ou essentiellement à ce qu’est l’autre pour nous. Quand elles ne faisaient qu'être là au petit matin, frais et ensoleillé, presque joyeuses que je les trouvais, allant comme quelqu’un qui sait où il va, et sans crainte, laissant derrière elles leur maison avec l’assurance de la retrouver, enfin comme n’importe qui sortant de chez lui, comme moi qui les voyait indifférente à ma présence qui ne semblait par leur peser malgré que je les regardais et décidais aussitôt de ne plus le faire avec cette insistance suspecte. Mon regard se tourna alors vers toutes ses magnifiques voitures, fleuron de notre économie nationale stationnées sur le bas-côté de la route. C’était cela que l’on regardait et dont on était fier, la marque de notre civilisation. J’avais la larme à l’œil et compris pourquoi j’aimais tout autant mon pays et certainement mille fois plus : c’est pour la place qu’il faisait à ses déshérités, c’est par elles que j’évaluais le degré de civilisation qui était le nôtre : par ces deux femmes correctement vêtues, propres sur elles, comme on dit, qui sortaient de ce foyer sans même prendre la peine de refermer la porte derrière elles. Et je me retournais pour regarder à nouveau l’endroit d’où elle venait et c’était le seul à cette heure matinale à avoir un semblant de vie et d’animation. Etait-ce l’heure de sortie des fous qu’on n’oserait pas lâcher à toute heure de la journée, même dans cette rue qui n’était pas une rue principale ? Elles étaient déjà loin, quoique cheminant toujours d’un même pas tranquille et léger. Cependant j’avais vu dans cette même rue d’autres groupes à d’autres heures, peut-être accompagnés, et qui montraient tout autant sinon plus leur joie de vivre par de petits cris inarticulés ou ce qui pouvait ressembler à des phrases mais que je n’arrivais pas à comprendre. Je me disais, ils me disaient tous, que je devais être heureux de vivre et fier de notre civilisation et de son fleuron, ce FOYER POUR HANDICAPES MENTAUX  et que la seule chose que je ne comprenais pas c’était : pourquoi cela n’était pas écrit en lettres d’or, et cette rue n’était-elle pas celle de l’Hôtel de Ville où l’on pu voir l’attention de nos élus pour tous leurs concitoyens sans différences de races, de classes, et de QI.

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