jeudi 1 mars 2018

Les bouseux

Je ne l’avais jamais vu comme ça, mais en le revoyant aujourd’hui cela me paraît évident qu’il était gentil le paternel. Mais on n'était pas habitué à ça et cela nous surprit plus d’une fois à Bernard et moi. C’était surtout quand on allait ramasser avec lui des crottins de chevaux et de la bouse de vache. Il avait retourné la terre du jardin qui n’attendait plus qu’à être fertilisée. C’était une tâche ingrate, mais qu’il était gentil ! Tant qu’on en oubliait ce qu’on faisait, mon frère Bernard et moi. Tout au bonheur d’être avec le paternel. Dans les tâches ingrates et autres moments de félicité avec le paternel, il y avait aussi, à ne pas oublier, d’aller à la décharge publique chercher de vieilles batteries de camion. Ensuite on les cassait en tapant comme des enragés, enragés de bonheur, sur les grilles de plomb qu’on faisait ainsi tomber dans une vieille casserole. Puis le paternel faisait couler le plomb dans des cônes en papier confectionnés par ses soins. Du plomb pour le fil de pêche.
À classer donc aujourd’hui parmi les meilleurs souvenirs du paternel avec les moments passés en mer à pêcher sur le bateau au large, et à plonger la nuit dans le lagon. Malgré les requins, malgré les récifs, malgré la mer démontée. Parce que le paternel était gentil.

C’était à la maison. Toujours à la maison qu’il nous battait. En présence de maman. En présence de maman qui ne disait rien. Ça m’a toujours étonné. Ça ne m’étonne plus. Il n’était plus le même le paternel en présence de maman. Mais c'était surtout quand on allait ramasser avec lui des crottins de chevaux et de la bouse de vache qu'il était gentil le paternel, ça devait lui rappeler la ferme en Algérie et son paternel à lui, et une pratique ancienne, une tradition de bouseux qu'il perpétrait avec mon frère Bernard et moi et qui le rendait si gentil qu'on aurait aimé y aller plus souvent là où les vaches et les chevaux crottaient.

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