samedi 23 avril 2016

La femme au foulard rouge

Elle avait noué un foulard rouge autour de son cou. C'était tout. Et c'était l'expression juste de son bonheur d'être avec lui. Il l'avait compris du premier coup d'oeil. Cependant, pour cela, il lui avait fallu apprendre tout ce qui était langage et ne s'exprimait pas par des mots, comme ce foulard rouge noué autour de son cou, comme ses longs regards tendres et appuyés, pareils à ceux de son chien. La comparaison peut paraître cruelle et déplacée, mais c'est cette maladie qui est cruelle. Elle tue tout et vous laisse en vie. Pour qu'on vous voit et qu'on dise de vous qu'il ne reste plus rien de vous. Il y a ceux qui ne se gênent pas et le diront devant vous, comme si vous n'existiez pas. Parfois il lui semblait qu'elle n'existait plus que pour lui. Qu'il était seul à la comprendre comme il était seul à comprendre son chien, qu'elle lui parlait comme lui parlait son chien, sans dire un mot, qu'elle le regardait comme le regardait son chien, sans bouger les yeux, mais il continuait à l'aimer comme on aime sa femme. Bien sûr, pourquoi le nier, leurs rapports n'étaient plus ceux d'un homme et d'une femme, plutôt ceux d'un maître et de son chien. Il la commandait du geste et de la voix, donnait des ordres simples et, souvent il se le reprochait, d'un ton un peu trop autoritaire, chargeant la voix de dire ce que les mots ne signifiaient plus. C'était dur, la voix pouvait se faire dure, très dure, trop dure, mais comment faire autrement. Et de plus en plus elle avait avec lui cet air doux et soumis, presque craintif, d'un petit chien, mais d'un petit chien qui aurait noué autour de son cou ce joli foulard rouge qu'elle portait pour lui. 

C'était atroce cette envie irrépressible qui l'avait alors saisi de s'approcher d'elle amoureusement et de serrer très fort, de plus en plus fort, ce foulard rouge autour de son cou, comme dans un dernier acte d'amour, irrespirable et fou. Elle n'avait pas crier. Elle l'avait seulement regardé, pas supplier, pas implorer, mais aimé une dernière fois du regard.

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