vendredi 6 juin 2025

L'individualiste (10)


Comme je lui demandais quand la société commençait pour lui il me répondit avec toi pour moi et avec moi pour toi et c'était une société amicale, sur la même ligne de pensée on aurait pu dire que la société commençait par la femme et sa progéniture.

C'est oublier qu'il en est une autre qui commence par l'Etat. Mais oublions la, parce que ces paroles de mon ami pour qui la société commence par l'autre ne me renvoie pas à l'Etat mais à l'individu qui est cet autre qu'aurait oublié l'Etat pour ne pas dire la société actuelle et étatique.

Or une société qui aurait oublié l'individu ou, ce qui revient au même, l'aurait troqué pour les individus eux-mêmes tronqués en électeurs potentiels, ne serait donc plus légitime aux yeux de mon ami qui me reproche pourtant de ne pas aller voter.

Cette soumission au plus grand nombre étant largement acceptée et confondue avec l'idée que l'individu aurait sa voie quand elle se perd et se confond avec celle de la majorité qui est celle du plus grand nombre. 

Comment ne voit on pas là une façon comme une autre de faire taire une voix personnelle car la voix de l'individu ne peut être qu'une voix personnelle et c'est cette voix personnelle que l'on cherche à faire taire dans la société impersonnelle et inhumaine, seul l'individu est l'humain.

Qu'est-ce que l'expression du peuple? tout le monde veut-il faire peuple? Faire peuple est-il la meilleure façon d'être humain, de faire l'humanité? Plutôt que de vouloir faire le peuple pourquoi ne voudrait t-on pas faire l'individu? 

Ce serait trop classe? Qui ne voudrait pas être classe? Avoir de la classe. Quant on dit à un individu qu'il a de la classe il ne s'en insurge pas et Jules Vallès qui a écrit L'insurgé avait de la classe comme individu et comme écrivain un style, et le style (ne dit-on pas) c'est l'homme.

Plaider la cause de l'individu n'est pas non plus vouloir Ubu roi mais qu'il ne le soit que dans la pièce d'Alfred Jarry et pas dans la société fût-elle démocratique, c'est-à-dire avec une cour plus nombreuse et non moins privilégiée aussi que couronnée d'une tête se voulant toujours royale.

Ainsi se voudra-t-elle toujours, car il y aura toujours des hommes qui voudront régner sur des hommes or l'on peut vouloir que ces hommes ne soient pas peuple ou ne fassent pas peuple, mais soient des individus à part entière sur qui par conséquent on ne règne pas si facilement.

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