La vie passe
trop vite. J'avais cette idée là moi aussi. Jusqu'à ce que je
prenne le train. Tout le monde prend le train. Et tout le monde est
pressé d'arriver. J'étais moi aussi pressé d'arriver. Et trouvais
le temps long. Ma destination. Autant dire la destinée que je
m'étais donnée, fixée, n'était pourtant faite que de quelques
gares vite passées en RER (réseau express régional). Néanmoins je
trouvais le temps long pour arriver là où je voulais arriver.
Je n'étais
pas seul. Je n'étais pas seul à trouver le temps long. On était
tous assis tranquillement mais semblait s'ennuyer un peu. Cependant
les visages étaient tendues, ils étaient tendus vers un but et leur
tension montrait l'urgence qu'il y avait à l'atteindre, cette
tension du moins se reflétait sur les visages. L'angoisse vitale,
l'angoisse vitale, c'est ce que je me répétais, tandis que certains
lisaient et beaucoup, la majorité, était sur leurs smartphones,
autant dire qu'ils étaient déjà là où ils leur pressaient
d'arriver.
Ce n'est pas
que le train n'aille pas vite. Ce n'est pas que la vie ne passe pas
vite. Les trains vont de plus en plus vite. La vie va de plus en plus
vite. Mais ce n'est pas comme ça qu'on la vit. On trouve le temps
long. Parce qu'on s'est fixé un but, une destination et à hâte d'y
arriver tandis que notre destinée, notre vie, elle, elle est faite
de toutes les gares à passer avant d'y arriver à cette destination
qu'on s'est donnée, fixée d'avance. En fait, on n'apprécie pas
trop notre vie, toutes ces gares qui ne semblent être là, existé,
que pour nous retarder.
Ce n'est pas
nouveau. Avant les trains. Au temps d'Ulysse déjà c'était çà: il
n'avait hâte que de rentrer chez lui, le temps passé loin des siens
n'était qu'épreuves à surmonter, mais il lui fallait conquérir la
toison. Nous aussi nous allons la chercher cette toison et ça prend
du temps, beaucoup de temps, c'est pourquoi on trouve le temps long,
c'est pourquoi on trouve que la vie passe trop vite, parce que: que
reste t-il de temps à vivre parmi les siens, dans son petit liré,
car mieux vaut son petit liré que le mont palatin, n'est-ce-pas?
La mort
passe trop vite. La mort pas la vie. C'est brutal. Sans transition.
Sans transition je passe de la vie à la mort. Mais c'est comme cela
que vous y passerez, qu'on y passera tous. La vie ne nous surprend
pas. La mort vous surprendra, me surprendra. J'étais dans le train
quand un train passa en sens inverse. Il se fit une dépression
d'air. Que ce train semblait aller vite et le notre être à l'arrêt.
Pas le temps de voir les visages, des visages comme les nôtres,
sûrement. Des visages tendus. Des visages qui s'ennuyaient. Des
visages d'êtres vivants. Mais qui n'étaient déjà plus là, qui
s'étaient enfuis, comme emportés par le vent. On aurait dit que le
souffle de la mort était passé sur nous dans le train. Mais la vie
repris le dessus. Les visages se refermaient. A nouveau tout allait
lentement, trop lentement pour nous. Mais le train de la mort allait
vite, lui.
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