mardi 20 février 2018

Le train de la mort


La vie passe trop vite. J'avais cette idée là moi aussi. Jusqu'à ce que je prenne le train. Tout le monde prend le train. Et tout le monde est pressé d'arriver. J'étais moi aussi pressé d'arriver. Et trouvais le temps long. Ma destination. Autant dire la destinée que je m'étais donnée, fixée, n'était pourtant faite que de quelques gares vite passées en RER (réseau express régional). Néanmoins je trouvais le temps long pour arriver là où je voulais arriver.

Je n'étais pas seul. Je n'étais pas seul à trouver le temps long. On était tous assis tranquillement mais semblait s'ennuyer un peu. Cependant les visages étaient tendues, ils étaient tendus vers un but et leur tension montrait l'urgence qu'il y avait à l'atteindre, cette tension du moins se reflétait sur les visages. L'angoisse vitale, l'angoisse vitale, c'est ce que je me répétais, tandis que certains lisaient et beaucoup, la majorité, était sur leurs smartphones, autant dire qu'ils étaient déjà là où ils leur pressaient d'arriver.

Ce n'est pas que le train n'aille pas vite. Ce n'est pas que la vie ne passe pas vite. Les trains vont de plus en plus vite. La vie va de plus en plus vite. Mais ce n'est pas comme ça qu'on la vit. On trouve le temps long. Parce qu'on s'est fixé un but, une destination et à hâte d'y arriver tandis que notre destinée, notre vie, elle, elle est faite de toutes les gares à passer avant d'y arriver à cette destination qu'on s'est donnée, fixée d'avance. En fait, on n'apprécie pas trop notre vie, toutes ces gares qui ne semblent être là, existé, que pour nous retarder.

Ce n'est pas nouveau. Avant les trains. Au temps d'Ulysse déjà c'était çà: il n'avait hâte que de rentrer chez lui, le temps passé loin des siens n'était qu'épreuves à surmonter, mais il lui fallait conquérir la toison. Nous aussi nous allons la chercher cette toison et ça prend du temps, beaucoup de temps, c'est pourquoi on trouve le temps long, c'est pourquoi on trouve que la vie passe trop vite, parce que: que reste t-il de temps à vivre parmi les siens, dans son petit liré, car mieux vaut son petit liré que le mont palatin, n'est-ce-pas?

La mort passe trop vite. La mort pas la vie. C'est brutal. Sans transition. Sans transition je passe de la vie à la mort. Mais c'est comme cela que vous y passerez, qu'on y passera tous. La vie ne nous surprend pas. La mort vous surprendra, me surprendra. J'étais dans le train quand un train passa en sens inverse. Il se fit une dépression d'air. Que ce train semblait aller vite et le notre être à l'arrêt. Pas le temps de voir les visages, des visages comme les nôtres, sûrement. Des visages tendus. Des visages qui s'ennuyaient. Des visages d'êtres vivants. Mais qui n'étaient déjà plus là, qui s'étaient enfuis, comme emportés par le vent. On aurait dit que le souffle de la mort était passé sur nous dans le train. Mais la vie repris le dessus. Les visages se refermaient. A nouveau tout allait lentement, trop lentement pour nous. Mais le train de la mort allait vite, lui.

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