Je l'éduquerais comme mon chien. Ce qui revient à dire que je ne l'éduquerais pas. On n'éduque pas son chien. On le dresse. Je ne dresse pas mon chien. Je ne le dresserais donc pas, non plus. Je lui donnerais comme je donne à mon chien toute ma tendresse, toute mon affection, chose qu'en retour, mon chien me rend bien. Mais je ne le soumettrais à aucune obligation de résultats, chose qui en retour ne paye pas ou mal, toujours au-dessous de nos espérances, toujours au-dessous de nos frustrations personnelles. Par contre, je mettrais un soin et une attention particulière à ce qu'il fasse ses besoins naturels, car c'est ce qui donne à mon chien le plus de satisfaction, lui apporte le plus de soulagement. Je lui donnerais des ordres simples et qui ne prêtent pas à contestation, mais essentiellement destinés à son repos et à sa sécurité: coucher! au pieds! traverse!
Je veillerais à ce que sa gamelle soit toujours pleine et qu'il est toujours de l'eau à boire, c'est-à-dire, à ce qu'il n'est jamais faim ni soif, c'est-à-dire encore que j'assurerais tous ces besoins primaires, vitaux, essentiels, pour le reste, il sera aussi libre que mon chien que je promène sans laisse, mais avec une extrême vigilance et l'angoisse que connaissent tous les bons pères de famille qui ne perdent pas de vue leur progéniture. Je ne le laisserais pas à d'autres. C'est mon chien. Pardon, mon enfant. Mais c'est pareil pour moi, désolé pour ceux qui font la différence et maltraite leur chien, car qui ne maltraite pas son chien ne maltraitera pas non plus son enfant s'il le traite comme son chien.
Vous me direz que mon chien ne sait ni lire, ni écrire, ni compter. Mais tout ce que mon chien apprend il l'apprend naturellement, il n'a pas besoin de moi pour cela. Mon enfant apprendra naturellement à lire, à écrire, à compter. Il n'aura pas besoin de moi pour cela. Je serais là, c'est tout. Comme je suis là pour mon chien, seulement en cas de besoin. Je ne serais pas ce père qu'on voudrait ailleurs quand il est là et là quand il est ailleurs. Mon chien fait des choses que ne font que les chiens et que je n'apprécie guère. Mon enfant ferait des choses que ne font que les enfants et que je n'apprécierais guère. Je laisse mon chien mener sa vie de chien. Pourquoi je ne laisserais pas mon enfant mener sa vie d'enfant. Mais je serais là, c'est tout. Comme je suis là pour mon chien, seulement en cas de besoin. Vous croyez qu'on ne se parle pas, mon chien et moi. On se parle du regard, il me lèche, parfois il me repousse, parfois les pattes en l'air il attend la caresse. Le langage du corps. Ce n'est pas un vain mot. On l'oublie après pour un langage plus abstrait, plus distant. Mais avant. Avant surtout, si j'avais un enfant, je n'oublierais pas le langage du corps qui est celui de mon chien.
Bon, je vais m'arrêter là. Je vous l'ai dit: je ne l'éduquerais pas. N'attendez donc pas de moi un traité de l'éducation. De Jean Jacques Rousseau je n'ai retenu, désolé, que: l'homme est naturellement bon et c'est la société qui le déprave. Si j'avais un enfant je ferais donc tout pour que la société ne commence pas pour lui par moi.
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