A l'intérieur, il y avait
le père, la mère, et le petit frère. La voiture avait démarrée.
Ils lui couraient après. La voiture s'élevait lentement en
tournant dans les lacets de montagne, soulevant derrière elle un nuage de poussière. Il n'était pas possible qu'elle
les laissa-là. Bientôt le nuage de poussière se dissipa. La voiture avait disparu au loin. Ils cherchaient encore à la voir. Et quand une autre qui lui ressemblait passait, leur petit cœur se mettait à battre la chamade. Bientôt, il ne passa plus de voitures. Leur regard se tourna alors vers le paysage et ils ressentirent tout autour d'eux cette désolation sauvage, comme si cette terre était une terre d'abandon, comme eux livrée à elle-même. Leur petit-frère depuis la vitre arrière leur avait dit au revoir d'un petit geste de la main, drôle, amusé, enfantin, comme si ce fut un jeu, un jeu cruel, un jeu d'enfant auquel les adultes ne feraient que se prêter. Ils n'avaient pas eu le temps de lui répondre. Pas envie non plus, sans doute. La poussière soulevée par les roues des voitures était retombée, et c'était comme s'ils découvraient cette forêt de fougères géantes et arborescentes qui semblaient, du ravin où elles se trouvaient, vouloir remonter jusqu'à eux pour les accueillir. Leur arrivaient aussi de la végétation environnante des senteurs prenantes, enivrantes jusqu'à la nausée, tandis qu'une chaleur humide était comme une affection chaleureuse qui aurait voulu étouffer leur peine. Il y avait un petit ruisseau dont ils entendaient maintenant l'eau couler. C'était rafraichissant. On aurait dit que tout ce que cette nature généreuse et abondante pouvait leur apporter elle leur apporterait. Mais ils savaient déjà, sans doute comme tous ceux qui avaient été abandonnés-là et que bientôt ils rencontreraient, qu'elle ne pouvait pas tout leur donner et encore moins ce qu'ils avaient perdu ce jour-là. Mais ce qu'ils ignoraient c'est que le temps fini par tout estomper comme ce nuage de poussière qu'ils avaient vu sous leurs yeux se dissiper, et que ce qu'il leur resterait serait cette image presque irréelle que Kamadja voyait 50 ans après, comme s'il venait de se réveiller d'un rêve, qu'il ne saurait dire si bon ou mauvais, et qui pouvait figurer à lui seul leurs années calédoniennes.
muy bonito
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